OTTO E MEZZO, de Federico Fellini
Titre français = Huit et demi
Scénario de Federico Fellini, Tullio Pinelli, Ennio Flaiano & Brunello Rondi
Guido Anselmi est « bloqué », il a une idée de film qu’il n’arrive pas à mettre au point. Suite à un malaise, il se rend dans une station thermale pour se reposer et tenter d’y voir clair.
Il y a fixé rendez-vous à sa maîtresse, la pulpeuse Carla et peu après demande aussi à son épouse Luisa de le rejoindre. Bien vite il s’avère qu’entre Guido et Luisa rien ne va plus, ce que confirme Rossella, l’amie de Luisa.
Anselmi joue à l’innocence et dit ne pas comprendre l’attitude de son épouse, qui lui répond vertement qu’il n’est qu’un menteur qui adapte la vérité au point de croire à ses propres mensonges.
Guido lutte constamment contre ses souvenirs d’enfance se mêlant intimement au moment présent, au point qu’il ne sait réellement plus du tout où il en est.
Après avoir revu « La Dolce Vita », je me suis dit qu’il était temps que je découvre enfin cet autre film culte du réalisateur italien, l’un des maîtres de Woody Allen.
Mon ressenti est mitigé, moins cependant que pour « La dolce vita ».
Si j’ai littéralement adoré (n’ayons pas peur des mots) la cinématographie en noir et blanc que j’ai trouvée magistrale, si j’ai véritablement apprécié le jeu du grand Marcello Mastroianni, j’ai trouvé cette histoire de « blocage intellectuel » quelque peu fastidieux parce que trop long à mes yeux (2 heures 20 min ! – et pourquoi sinon répéter sans cesse le même problème).
Néanmoins, le drame de la page blanche, pour un écrivain, ou pour le réalisateur-scénariste d’un film « impossible » doit effectivement être pénible, je comprends que cela donne envie d’en parler.
Dans ce cas-ci, cela donne un film totalement onirique, qui m’aurait enthousiasmée eut-il été plus court, beaucoup de scènes étant répétitives.
Le titre du film a été considéré « atypique » - pourquoi je vous le demande – car l’explication est tellement plausible qu’il n’y a rien d’atypique à cela = jusqu’alors, Federico Fellini avait réalisé 7 longs métrages et 2 sketches qu’il considérait comme des quarts de film, donc un demi film si l’on veut.
Ergo 8 (avec celui-ci) et demi. Simple pourtant comme explication, non ? il suffisait de connaître la filmographie du réalisateur.
L’histoire est autobiographique, ayant soudain « disparu » de la mémoire du réalisateur au moment de soumettre le projet à son producteur.
Marcello Mastroianni ne fut pas le premier choix pour interpréter Guido Anselmi ; Fellini avait espéré avoir Laurence Olivier ou Charles Chaplin. Je suis convaincue que ces 2 grands comédiens auraient été excellents, mais Matroianni est parfait dans ce rôle.
Sandra Milo, la maîtresse d’Anselmi, faillit également ne pas faire partie de la distribution car son époux aurait préféré qu’elle ne tourne plus après la désillusion du manque de succès du film de Robert Rossellini dans lequel elle avait joué. Personnellement je ne lui ai pas trouvé un talent exceptionnel, mais elle est convaincante en maîtresse « enquiquineuse ».
Anouk Aimée est bien sûr totalement merveilleuse en Luisa Anselmi, passant de l’amertume à la bonne humeur d’un instant à l’autre ; pour elle son époux n’est qu’un menteur, un clown un sadique, un masochiste, etc. (On comprend quelque peu qu'elle décide de se séparer de lui !)
J’ai aussi beaucoup apprécié la toute belle Claudia Cardinale, dans le rôle de la jeune infirmière qui touche le cœur d’Anselmi ; tout comme dans la « Dolce vita » avec la jeune serveuse de restaurant, le réalisateur introduit un personnage plein de jeunesse et d’innocence dans tout le tourment qu’il vit.
Barbara Steele, qui fut l’égérie des films d’horreur des Hammer studios, interprète la petite amie d’un copain d’Anselmi ; en toute sincérité je l’ai trouvée horripilante – je la préfère dans les films d’horreur !
Le copain étant, lui, interprété par Mario Pisu. Guido Alberti interprète le producteur qui souhaite que son cinéaste prenne une décision, Madeleine Lebeau joue une actrice française.
Le final est particulièrement intéressant, avec tous les personnages se rendant sur une piste de cirque, avec la célèbre musique de Nino Rotta, l’éternel complice musical de Fellini.
Bien sûr, le film obtint plusieurs prix, dont l’oscar 1964 du meilleur film étranger et celui du meilleur costume à Piero Gherardi, amplement mérité également.
Je regrette seulement qu’il n’ait pas été nominé pour la meilleure photographie car je l’ai trouvée magnifique. Elle est de Gianni di Venanzo.
Les oscars ne furent pas les seules récompenses bien sûr – le film fut très bien reçu aux Bafta, au Japon, au festival du film étranger de New York, etc.
Le sujet du film a inspiré Woody Allen pour son « Stardust memories », Bob Fosse pour « All that jazz », François Truffaut « La Nuit américaine », Tom DiCillo pour son excellent et méconnu « Living in oblivion » - plus quelques autres – l’influence de Federico Fellini dans le monde du cinéma n’est plus à exprimer.
Broadway en a fait un « musical », qui a été porté au cinéma en 2009 par Rob Marshall avec Daniel Day-Lewis.
« Otto e mezzo » est un film sur un film qui ne se fera jamais. L’histoire d’un homme qui se remet en question, mais n’hésite tout de même pas à déformer la réalité pour qu’elle s’adapte à SA vérité ; en ce sens j’ai trouvé le personnage relativement antipathique, il ne m’a guère touchée. Fellini a déclaré lui-même à propos de son film qu’en l’écrivant, il ne s’était nullement rendu compte de l’importance de sa vie personnelle dans sa création artistique, tout était fort confus pour lui.
Ceci dit, ce fut une intéressante découverte, qui manquait à mes intérêts cinématographiques.