PERCEVAL LE GALLOIS, d'Eric Rohmer
Scénario d'Eric Rohmer
Adapté du roman inachevé de Chrétien de Troyes « Perceval ou le Conte du Graal »
Perceval a été élevé par la Veuve Dame, sa mère, dont le mari et les fils aînés étaient chevaliers et sont morts au combat. Afin d’éviter de perdre son dernier fils, elle l’a élevé dans l’ignorance totale de la chevalerie. Isolé comme il l’est dans la forêt et le castel, Perceval est plutôt naïf concernant les choses du monde extérieur. Un jour, toutefois, qu’il s’amuse au javelot dans la forêt, Perceval croise des chevaliers en armure et pense qu’il s’agit de dieu et ses anges.
Après avoir posé bon nombre de questions stupides qui agacent les chevaliers, il finit par comprendre et annonce à sa mère qu’il veut devenir chevalier. La pauvre Dame voit tous ses espoirs s’écrouler et regarde partir son fils, puis s’évanouit dans les bras de ses suivantes.
Au fil de ses pérégrinations et aventures diverses, Perceval fera moults rencontres = Gornemant de Goort, qui lui enseigne les rudiments de la chevalerie, une pucelle fiancée de l’Orgueilleux de la Lande, ensuite le Roi Pêcheur blessé.
C’est dans le domaine de ce dernier que notre jeune chevalier aperçoit le Graal pour la première fois, mais fort des enseignements reçus (ne pas trop parler, éviter de poser trop de questions), il reste ébloui et muet.
A la cour du roi Arthur, il rencontre la Pucelle qui rit (on se demande de quoi !). Mais également Gauvain et Ké le sénéchal du roi.
Aussi et surtout en chemin a-t-il rencontré la belle Blanchefleur, celle qui sera pour toujours la dame de ses pensées.
Pour ne pas avoir posé les justes questions chez le Roi Pêcheur, Perceval errera pendant de longues années à la recherche du Graal, son unique but désormais dans l’existence.
Après avoir visionné le très aride « Lancelot du Lac » de Robert Bresson, je voulais aussi découvrir cette version de la légende de Perceval, personnage important des légendes arthuriennes. Le plus jeune et pur chevalier de la cour d’Arthus a fait l’objet de plusieurs versions – dans (presque) toutes, on considère qu’il est celui qui découvrit le Graal, mais en réalité c’est Galaad, le fils de Lancelot et Elaine de Corbenic, qui fut le plus digne de tenir la coupe sacrée et découvrir son secret – comme Perceval, Bohort (cousin de Lancelot) et Galaad chevauchaient ensemble, la légende a confondu les 2 personnages, également jeunes, beaux et purs.
Dans le conte de Chrétien de Troyes, la légende de Perceval s’entrelace à l’histoire de Gauvain et il faut reconnaître qu’Eric Rohmer a fort bien respecté le texte de Chrétien de Troyes, qu’il a traduit et adapté pour le film. Qui m’a beaucoup plu par son côté théâtral.
En fait, cette version quasi « enfantine » m’a fait revenir quelques années en arrière, à l’époque où je découvris, avec ma classe de français, la jolie histoire d’ « Aucassin et Nicolette ».
Les décors de Kohut-Svelko, à partir des dessins du réalisateur, ont ce côté « théâtre pour la jeunesse », totalement éloigné d’une réalisation cinématographique.
J’ai non seulement songé à la pièce de théâtre vue dans ma jeunesse, mais également à « La Belle & la Bête » de Cocteau.
Eric Rohmer, on aime ou on déteste, paraît-il. Personnellement, j’aime beaucoup – oui, ses films sont « bavards », mais ils suscitent la réflexion, ce que j’apprécie.
Tout comme Robert Bresson avait délibérément choisi de montrer l’aspect dur, cruel du moyen-âge et effacé toute fantaisie de son film, Eric Rohmer a pris le parti de montrer cette partie poétique de la légende arthurienne sous forme d’un « plateau de théâtre » - les chevaliers y chevauchent, si l’on peut dire, dans une forêt d’arbres en carton, le château – unique pour tous les lieux que visite Perceval – est en carton, disproportionné par rapport aux personnages qui sont beaucoup plus grands.
Afin de comprendre que l’on est passé d’un lieu à un autre, les bannières changent à côté du pont-levis.
Le chemin est de sable, mais la rivière est verre pilé, quant à l’herbe et le décor du fond, ils sont peints.
Rien n’est réel dans le film permettant ainsi d’accentuer l’effet « légende » de l’histoire – avec des personnages dont les costumes (de Jacques Schmidt) féminins, notamment, semblent sortis tout droit d’un tableau des Préraphaelites (qui cultivaient la nostalgie d’un passé rêvé) – la gestuelle des dames est légère, accompagnant avec grâce la musique de Guy Robert, d’après des musiques du moyen-âge.
J’ai mis costumes et décors en exergue, ce que je fais rarement dans mes chroniques, mais j’avoue qu’ils m’ont vraiment séduite.
L’histoire est contée par un chœur pour la description de l’histoire, comme les chœurs antiques.
Le réalisateur a aussi conservé la tournure médiévale du texte (ce qui fait parfois penser à Yoda dans « la Guerre des Etoiles) ; il a voulu respecter la tournure poétique, mais aussi le vocabulaire, ce qui rend par instants la compréhension du texte difficile.
Cela m’a peu dérangée, toute au ravissement de cette découverte.
Il faut accepter le côté « naïf » de la réalisation, accentuant l’histoire du naïf Perceval.
La distribution est typiquement rohmérienne = beaucoup de jeunes, Eric Rohmer aimait à s’entourer de jeunes acteurs, à leur donner leur chance – souvent ses comédiens n’avaient pas beaucoup plus de 20 ans, parfois même encore adolescents.
Fabrice Lucchini (Perceval), André Dussolier (Gauvain), Arielle Dombasle (Blanchefleur), Marie-Christine Barrault (Guenièvre), Michel Etcheverry (le Roi Pêcheur), Marc Eyraud (Arthur, Pascale de Boysson (la Veuve Dame), Pascale Ogier (une demoiselle, et dans le chœur).
Je ne les citerai pas tous, vu le nombre de personnages, tous n’ont pas non plus un rôle long.
Mon seul bémol est que j’ai trouvé le film un peu trop long (plus de 2 heures).