MARILYN MALGRE ELLE, de Patrick Jeudy
Texte de Gérard Miller – images d’archives d’actualités
Photos de Milton Greene
Pour moi, Marilyn Monroe fait partie de ces personnes lumineuses que la vie et les autres condamnent à l’avance parce que n’acceptant pas les schémas pré-établis.
J’en suis encore plus convaincue de cela après avoir visionné ce très intéressant documentaire de Patrick Jeudy et Gérard Miller qui nous emmène de l’Hollywood-Bling-Bling à New York l’intellectuelle, où elle fut convaincue de pouvoir enfin être elle.
C’est le jeune photographe à la mode en 1953 qui la révèlera à elle-même à Los Angeles en 1953. Dans les sessions de photos avec lui, elle se vit enfin telle qu’elle se savait être. Leur amitié fut longue et fructueuse, jusqu’à ce qu’influencée par Arthur Miller, qu’elle vénérait et qui se servit d’elle lui aussi, elle rompra avec le photographe qui l’avait montrée si belle et naturelle.
Marilyn Monroe état double, comme tout être humain, mais peut-être un peu plus que n’importe qui (« double » nous le sommes tous, jekyll & hyde ne sont pas seulement un mythe de roman). C’est cette « autre », dont Hollywood ne voulait à aucun prix, qu’elle s’en ira chercher à New York – tant dans les sessions avec Greene, qu’à l’Actor’s Studio et les cours particuliers des Strasberg. A New York elle pouvait écrire, se promener, lire, respirer. Ne plus être seulement une « blonde », à la plastique superbe. C’est son âme que Milton Greene révèlera sur papier.
L’image renvoyée par Hollywood, Marilyn n’en voulait plus ; de plus, ses films génèrent des profits mais les studios ne la paient guère en conséquence. Ici encore, grâce à Milton Greene, avec courage digne d’une Bette Davis avant elle, elle entrera en conflit avec lesdits studios (la Fox) et gagnera.
Tout être humain est contradictoire, chacun de nous est parfois incohérent et Marilyn Monroe n’échappe pas à cette règle. Tout en luttant contre l’image hollywoodienne, elle continue à « faire la Marilyn » face aux journalistes.
Les images d’archives d’actualités nous emmènent de New York (épatantes images !) à Hollywood, aller et retour, comme ces allers-retours que fit la comédienne pour honorer ses contrats. Un Hollywood qu’elle avait quitté en même tant qu’elle divorcera de Joe DiMaggio, pendant qu’à New York son cœur battait déjà pour ce Miller qu’elle admirait tant.
Qu’on ne s’y trompe pas, Hollywood a tué Marilyn Monroe – ce n’est pas une théorie du complot FBI que je cite ici, mais bien le simple fait que lorsqu’elle y reviendra, elle sera à nouveau cantonnée dans ses rôles de "blonde" ; l’argent et le pouvoir n’ont que faire des états d’âme de ceux qui ne veulent pas entrer dans des moules pré-établis.
À Hollywood on ne lui pardonnera pas non plus d’avoir pris la défense d’Arthur Miller lors du maccarthysme.
En 1954, elle part pour New York, se cachant sous le pseudonyme qui l’amusait beaucoup de « Zelda Zonk ». Là on lui fichera la paix, elle se fond dans la foule, parvenant à s’habiller de manière à passer inaperçue. Là elle sera vraiment l’insoumise qui fait un pied de nez à Hollywood et c’est à New York aussi que cette femme généreuse autant que belle avait déjà montré sa détermination et son courage contre l’injustice en imposant à une boîte de jazz à la mode la chanteuse Ella Fitzgerald qui ne pouvait s’y produire pour la seule raison qu’elle était noire.
Je suis depuis de très nombreuses années une admiratrice de cette comédienne qui me faisait rire mais qui m’attendrissait aussi depuis que je collectionnais les coupures de presse que lui consacrait la presse people de l’époque.
Je dois à l'humour de son interprétation réjouissante dans "Comment épouser un milliardaire" d’avoir fini par accepter d’être myope et porter mes lunettes.
L’émotion fut forte aussi de découvrir sa voix à travers les divers extraits d’interviews contenus dans ce documentaire, une voix à la fois semblable et pourtant différente de celle qu’elle a dans ses films, une voix douce et profonde qui séduisait aussi Milton Greene au point qu’il déclara que c’était « cette voix qu’il voulait montrer dans ses photos ».
Je terminerai sur une citation que Marilyn Monroe choisit dans un recueil de Yeats =
« Ne donnez jamais tout votre cœur, car tout ce qui est beau n’est qu’un rêve bref et délicieux. Oh non, ne donnez jamais entièrement votre cœur. »
Dois je insister sur le fait que je recommande chaudement ce documentaire de Patrick Jeudy, un habitué de documentaires sur les personnages célèbres, vus différemment.