NEW YORK 1943, de Jean-Loïc Portron
Document n° 6 dans « Les Foyers de la création »
Les Mardis de l’Art aux Ecuries de Watermael-Boitsfort
dans le cadre de la thématique 2011-1012
« Les artistes font de la résistance »
Paris a depuis toujours été, dans les esprits, la capitale de l’art – pour les artistes parisiens, l’Amérique était le pays des films musicaux, légers et sophistiqués, mais sans grande consistance.
A Paris on éprouve une certaine condescendance à l’égard des artistes américains qui y viennent travailler, aimer, découvrir.
En 1943, New York sort lentement de la grande dépression dans laquelle elle était plongée depuis les années 1920. C’est là aussi que s’est développé le brouet « liberal », la gauche américaine qui acclame – à ce moment-là – la révolution russe. Beaucoup d’émigrés juifs russes, fuyant les pogromes, apportent avec eux leurs idées de gauche, leur socialisme.
La ville vit dans un rythme permanent, d’elle il émane une énergie à nulle autre pareille. Tout y est plus haut, plus grand. Piet Mondrian l’adore – elle lui convient parfaitement avec ses larges avenues en lignes droites ; elle lui convient tellement que désormais les lignes noires disparaissent de sa peinture et les carrés blancs sont désormais cernés de lignes de couleurs (rouge, bleu, jaune éclatants - jamais de vert).
Il peint Broadway et le boogie woogie, lui qui aime tellement la musique de jazz. La rencontre de Charlie Parker et Dizzy Gillespie donne naissance au be-bop.
En Europe, c’est la guerre. Les artistes surréalistes et abstraits quittent le vieux continent pour New York, fuient le nazisme qui considérait leur art comme "dégénéré"; bien des maîtres de l’avant-garde européenne s’y retrouvent.
Les relations vont dès lors se transformer entre les artistes des deux continents et finalement les années 1940 verront New York devenir un grand centre culturel occidental.
Deux figures émergent = Jackson Pollock et Mark Rothko. Le premier, alcoolique, mal dans sa peau et sa vie, a sans cesse la bougeotte. Ses premières œuvres montrent une Amérique rurale, celle dans laquelle il se déplaçait sans cesse avec sa famille. Arrivé à New York il y retrouve ses frères qui l’encouragent dans sa vocation d’artiste.
Pour Pollock la peinture ne pourra se concevoir qu’en grand, libérée de toutes les images, le « dripping » sur une toile gigantesque posée à même le sol, autour de laquelle il circule, sera désormais sa manière préférée d’exprimer ce qu’il ressent.
Quant à Mark Rothko, il disait que « si vous ne voyez dans ma peinture que des aplats de couleurs, c’est que vous n’avez rien compris ».
Peggy Guggenheim, grande collectionneuse, aide les talents à se rapprocher, dans sa galerie ouverte en 1942. En 1943, tout est fait = la jeune New York et l’ « ancienne Paris » ne font plus qu’une au travers de l’art abstrait. En 1950, il prend complètement son essor outre Atlantique.
Une fois de plus j’ai passé un « mardi de l’art » passionnant, au travers d’un document d’une heure seulement, fait d’images d’archives documentaires, dont certaines scènes étaient filmées dans une teinte monochrome – dont la dominante est le jaune d’or, mais sans que cela ne soit laid ou choquant.