THE HUNCHBACK OF NOTRE DAME, de William Dieterle
Titre français = Quasimodo
Version de 1939
Adaptation et scénario de Sonya Levlen & Bruno Franck
Lorsque notre histoire commence, face à Notre-Dame, dans l’atelier d’un imprimeur, le roi Louis XI et son conseiller Jehan Frollo discutent des pamphlets de Pierre Gringoire. Le roi apprécie les idées de progrès (il accepte même l’idée que la terre soit ronde !) et même révolutionnaires de Gringoire – il aime que le peuple ait une opinion. Contrairement à lui, Jehan Frollo, conseiller et juge, défend les prérogatives de la noblesse et estime qu’il faudrait détruire l’imprimerie car elle apportera le savoir à des gens qui ne le méritent pas !
Jehan Frollo est un être haineux, qui déteste tout le monde et surtout les bohémiens qui sont pour lui des païens, suppôts de satan, tous pratiquant la magie. L’entrée de Paris leur est strictement défendue, mais une jeune fille parvient à échapper au groupe ; il s’agit de la jeune Esmeralda qui a l’intention de plaider la cause de son peuple auprès du roi.
En place de Grève, et dans les rues, le peuple est en liesse, on fête les Fous – il faut élire un nouveau roi et le hasard fait que c’est Quasimodo, le sonneur de cloches de Notre-Dame qui est choisit. Hélas, en cours de cortège, Frollo le chasse du char et le renvoie dans l’église.
Quelque part à l’écart, la jolie Esmeralda danse, captant les regards de tous = du poète Gringoire, de Frollo et du chef de la garde, le séduisant Phoebus. Esmeralda, qui sur ordre de Frollo, est poursuivie par la troupe et trouve asile dans la cathédrale où l’archidiacre, Claude Frollo, frère du juge, lui parle avec bonté. Au contraire de tous ceux qui y prient pour eux-mêmes, la jeune femme prie pour que le roi vienne en aide à son peuple.
Jehan Frollo la traite avec le même mépris qu’il réserve aux pauvres, mais malgré cette haine, la beauté de la jeune femme le subjugue et il la convoite pour lui seul. Il mettra tout en œuvre pour la perdre lorsqu’il comprendra qu’elle est attirée par Phoebus. Et ce malgré son mariage avec Gringoire, qui s’étant perdu dans la Cour des Miracles qui a recueilli Esmeralda, a eu le choix entre la corde au cou littéralement ou par le mariage.
Quasimodo lui aussi subjugué par la bonté et la beauté de la jeune femme, va désormais tout faire pour qu’elle puisse échapper à la soi-disant justice de Jehan Frollo qui n’a pas hésité à faire condamner Esmeralda pour le crime qu’il a lui-même commis.
Vos yeux ne vous ont pas trompés = j’ai bien mis deux fois « Notre Dame de Paris », adapté au cinéma, en ligne.
Comme j’ai la chance de posséder les deux versions cinématographiques les plus connues de « Notre Dame de Paris », j’ai eu envie de les regarder presque l’une après l’autre.
Bien que j’aie apprécié la version franco-italienne, en couleurs et scope, réalisée par Jean Delannoy, un peu plus tape-à-l’œil que celle de 1939, c’est bien vers celle-ci que me porte ma préférence = l’utilisation de la photographie noir & blanc lui donne une plus forte intensité dramatique, la rend plus puissante que celle en couleurs.
Ceci dit, au niveau du scénario, il est évident que des libertés ont été prises avec le roman de Victor Hugo, à commencer par le personnage de Frollo = ici il est Jehan, n’est point archidiacre, mais conseiller du roi et juge, il est foncièrement mauvais comme le Frollo de Victor Hugo – par contre son frère, l’archidiacre Claude Frollo (vous saisissez la nuance) est un homme juste et bon, horrifié par les actes de son frère.
Esmeralda ne meurt pas comme dans le roman ; par contre Phoebus oui, au lieu d’être simplement blessé – ce n’est pas une grande perte car ce n’est vraiment pas un personnage sympathique.
Tout comme dans la version de 1956, l’histoire personnelle d’Esmeralda, petite fille enlevée par les bohémiens, est totalement omise alors qu’elle est importante dans le roman. Elle obtient son pardon et peut partir avec Gringoire, qu’elle a appris à aimer alors que dans le roman d’Hugo elle le supporte à peine.
Le jeu des acteurs, contrairement à ce que l’on pourrait s’imaginer, est nettement plus naturel aussi que dans la version de Jean Delannoy.
Commençons par la ravissante Maureen O’Hara, qui en est ici à son 2ème rôle principal, et une fois encore aux côtés de Charles Laughton – ils avaient déjà joué ensemble dans « Jamaïca Inn ».
Elle est très fraîche, moins voluptueuse que Gina Lollobrigida, mais correspond – selon moi – un peu plus à l’Esmeralda d’Hugo. Elle a en tout cas plus l’air d’avoir 16 ans que l’actrice italienne, nettement plus fougueuse dans le rôle. Elle fait cependant bien passer les frayeurs, la bonté de la jeune gitane. Ses danses sont joyeuses et naturelles, nettement moins chorégraphiées que dans la version 1956.
Charles Laughton en Quasimodo, c’est réellement du grand art = le maquillage est parait, l’acteur est presque méconnaissable et pourtant il fait passer à la perfection les sentiments qui animent le malheureux bossu, qui est aussi sourd. Toute la détresse du mal-aimé passe par la partie la moins laide de son visage.
Cela n’a réellement rien de surprenant que sa prestation soit encore de nos jours considérée comme la meilleure qui soit dans ce rôle difficile.
Edmund O’Brien interprète Pierre Gringoire et là, j’ai été stupéfaite car je connais surtout cet acteur, un peu rondouillard, dans des films noirs. Mais ici, tout jeune, il a une superbe prestance et est crédible en poète qui croit à la force des mots pour lutter contre le pouvoir. Il est beaucoup plus crédible que le falot Robert Hirsch dans le même rôle. Il se lie d’amitié avec le roi de la Cour des Miracles, joué ici par Thomas Mitchell (celui-là même qui fut le docteur ivrogne dans « Stagecoach »). Il est aussi sympathique dans le rôle de Clopin que Philippe Clay, la prestance de ce dernier en moins.
Venons-en à présent à Frollo = le Jehan Frollo du scénario américain, et non celui du roman de Victor Hugo = celui-là, Claude Frollo est effectivement archidiacre (joué par Walter Hampden,) mais pas du tout l’homme en noir du roman ; ici il est un prêtre plein d’humanité.
Par contre son frère Jehan est bien l’homme en noir, aussi méchant et hypocrite que celui d’Hugo. Il est brillamment joué par Cedric Hardwicke, excellent dans le rôle, exactement comme le fut Alain Cuny.
Louis XI, par contre, est montré dans cette version 1939 comme un brave type de roi. Il est vrai qu’il est interprété par Harry Davenport, un acteur habitué aux rôles sympathiques, pleins d’humour bon enfant. J’ai l’impression que le réalisateur n’a pas osé l’utiliser à contre-emploi et il fait de Louis XI un monarque éclairé, débonnaire, prêt à aider le peuple (Hugo a dû se retourner dans son Panthéon).
Ici aussi je parlerai de l’acteur qui interprète Phoebus parce qu’il le faut bien = il s’agit d’un certain Alan Marshal, qui ne tourna pas beaucoup pour cause de décès jeune, mais franchement il est aussi fade et idiot que l’acteur qui interprète Phoebus dans la version de Delannoy. Apparemment, le personnage de Phoebus n’incite pas les acteurs à une interprétation mémorable – sauf mémorablement idiote. Mais il faut bien l’avouer que le personnage même est tellement déplaisant qu’il n’est pas être possible de le jouer bien.
Le réalisateur William Dieterle fait partie des réalisateurs allemands, de la période expressionniste allemande, et cela se sent dans sa mise en scène des mouvements de foule = en contre-plongée, pour donner un effet plus inquiétant. Il avait quitté l’Allemagne lors de la montée du nazisme et poursuivit une longue carrière à Hollywood. La maîtrise de la photographie noir&blanc est due à son habituel photographe de cinéma, Joseph August. Les ombres sont utilisées au maximum de leurs possibilités et ajoutent beaucoup aux moments graves de l’histoire.
Dernière petite spécification, ici la chèvre apprivoisée d’Esmeralda ne se nomme pas Djali, mais Aristote et elle n’est pas blanche mais noire.
Comme je l’ai dit, malgré les libertés prises avec le roman de Victor Hugo, c’est cette version-ci que j’ai préférée par le jeu des acteurs.
Elle inspira les studios Disney pour leur version dessinée et édulcorée de l’histoire. Le dessin de Quasimodo ressemble d’ailleurs trait pour trait au maquillage de Charles Laughton.