ZONDER SPIJT, de Pieter Aspe
18ème enquête du commissaire Pieter Van In & son adjoint Guido Versavel
Non encore traduit
Un journaliste d’investigation a été retrouvé assassiné par un collègue, étonné qu’il ne soit pas pointé au journal depuis deux jours. L’homme était un électron libre dans son métier mais ne cachait pas qu’il était sur un « gros coup », ayant réuni des indices supplémentaires, disait-il, sur les tristement célèbres Tueries du Bravant (Bende van Nijvel) dans les années 1980.
A l’époque déjà, l’affaire avait été étouffée par les instances supérieures de justice, le procureur chargé de l’enquête avait été mis à l’écart et se serait « suicidé », tous ses dossiers ayant disparu.
Puisqu’il s’agit d’un crime, Van In et Versavel sont sur les lieux, mais rapidement le procurer Beekman, le supérieur d’Hannelore Martens, épouse de Van In, décide de lui enlever l’enquête – ce sera désormais la gendarmerie fédérale qui s’occupera de cette enquête.
S’il y a bien quelque chose qui met Van In en pétard, c’est que l’on lui enlève une affaire criminelle sous prétexte que ce n’est pas de son ressort.
D’habitude Beekman et lui s’entendent plutôt bien, mais là ça chauffe entre eux ! et malgré le respect qu’elle a pour son supérieur, la juge d’instruction Hannelore Martens soutient son époux.
D’autant plus que l’on retrouve rapidement le corps de l’ami du journaliste, revenu de l'étranger, assassiné de la même manière = deux balles dans la tête, généralement le modus operandi d’un tueur professionnel.
Guido Versavel, l’adjoint de Pieter Van In, comprend rapidement que son compagnon, Frank, sera bientôt visé par le tueur lui aussi – et c’est bien vu = le corps de Frank est bientôt retrouvé quelque part près du mont Kemmel, deux balles dans la tête.
Versavel est dévasté par le chagrin, Frank lui avait annoncé qu’il le quittait pour un journaliste et avait disparu ; Van In avait proposé de le faire rechercher pour le protéger, mais à présent il est trop tard.
Devant le chagrin de son ami et collègue, Van In n’hésite pas = puisqu’on lui retire l’affaire, il va prendre quelques jours de congé. Ce qu’il fait de son temps libre ne regarde que lui !
Seulement on ne donne pas impunément un coup de pied dans un nid de frelons. Surtout quand ceux-ci sont des tueurs sans scrupules.
Ayant pioché sans réfléchir dans ma PAL-Aspe, c’est la 18ème enquête de mes enquêteurs brugeois préférés qui a abouti dans mon giron – un peu de désordre donc, alors que j’étais bien décidée à lire tous les polars de Pieter Aspe dans l’ordre.
Bon, pas grave, ce qui compte c’est que cette enquête soit passionnante de bout en bout.
Parallèlement à l’enquête du commissaire, son adjoint et la juge d’instruction, on assiste aux manigances dans l’ombre des commanditaires des meurtres, qui ne laissent derrière eux que des traces de sang, ou de faux indices pour envoyer nos enquêteurs « on a wild goose chase » diraient les Anglo-Saxons (càd de fausses pistes).
Comme toujours l’auteur n’hésite pas à critiquer vivement les instances supérieures de la Belgique, y compris dans la gendarmerie, qui se firent un plaisir d’étouffer tous les indices de leur participation dans les agissements meurtriers de la Bande de Nivelles – ou Tueries du Brabant - afin de déstabiliser (encore plus) le pays et instaurer une dictature de droite.
L’appellation « Bande de Nivelles » est, en fait, la traduction de la manière dont la presse flamande présenta ces tueries = de Bende van Nijvel, mais les faits ne furent pas uniquement commis dans l’arrondissement du Brabant Wallon (Nivelles), mais également à Maubeuge en France, certains autres dans les provinces de Namur et Hainaut, ainsi qu’en Flandre orientale (Belgique).
De multiples théories ont été échafaudées = celle-ci-dessus de la déstabilisation par l’extrême-droite, mais aussi = braquages sanglants gratuits, organisés par un psychopathe ; chantage à l’intention de la direction des magasins Delhaize, les braquages ayant été commis dans ces supermarchés (intimidation dans le genre mafieux) ; théorie de personnes visées, bien précises, mais dont le crime était camouflé dans un carnage (règlements de compte, etc). Bref, 20 ans après on est toujours nulle part, mais le total des personnes tuées dans ces braquages sanglants se monte à 28 morts.
La P.J. enquête toujours, paraît-il. Moi je veux bien, mais je ricane quand même cyniquement car, comme Aspe, je suis convaincue que l’on va continuer à étouffer l’affaire ou la mettre sur le dos de boucs émissaires, après tout on a quand même pas mal de trafiquants de toutes sortes qui se baladent chez nous (drogue, armes, prostitution, œuvres d’art … la Belgique en est une plaque tournante).
A part le fait que le romancier belge aime à critiquer la politique de son pays, il propose une fois encore une enquête passionnante, pleine de rebondissements, avec quelques propos bien cyniques de la part du commissaire Van In, parfaitement secondé cette fois par sa juge d’instruction préférée qui n’aime pas non plus que l’on les mette sur une voie de garage parce qu’ils ont eu le nez fin dès le départ.
Guido Versavel joue ici un rôle un peu plus important qu’à l’accoutumée vu qu’il est personnellement touché par les événements.
J’ai aussi retrouvé avec un immense plaisir le légiste Zlotkrychbrto (Zlot pour les amis), qui patauge un peu avec les expressions de la langue flamande, qu’il maîtrise pourtant d’excellente manière.
Sa capacité de siroter le whisky, comme moi de l’eau ou comme les Duvel de Van In, donne un peu le vertige cependant.
Il ajoute une touche drôle dans les romans, lui qui préfère – et de loin – la compagnie de ses cadavres, eux au moins ne le critiquent pas quand il a un verre dans le nez.
Un bon polar à la fois classique et politique, une autre lecture-détente.