HUSBANDS & WIVES, de Woody Allen
Scénario de Woody Allen
Titre français = Maris & Femmes
Lorsque leurs meilleurs amis Sally et Jack leur annoncent leur séparation prochaine avant d’aller tous ensemble au restaurant, Gabe et Judy tombent littéralement des nues. Ce mariage avait l’air tellement « parfait » = intelligence, humour, amour, tout quoi !
Du coup, Judy commence à se poser pas mal de questions, au point que Gabe lui aussi se met à revoir ce que leur mariage était, est devenu, sera ou ne sera pas dans l’avenir. Et pour constater que finalement leur mariage n’est pas si idyllique non plus.
Les deux couples se mettent à rencontrer d’autres personnes, plus jeunes, intelligentes, libres. Ceux qui sont libres voudraient entamer une nouvelle relation – ceux qui ne sont pas encore libres voient quelqu’un en cachette de l’autre. Jeu dangereux qui ne dure jamais très longtemps avant que le pot aux roses ne soit découvert.
Comme pour « Another Woman », ce film de Woody Allen est une référence à son cinéaste fétiche, Ingmar Bergman – « Scènes de la vie conjugale » a certainement inspiré ce film, de même que la fin de la relation du metteur en scène avec Mia Farrow.
Le couple battait de l’aile depuis pas mal de temps et on ne peut s’empêcher d'imaginer la tension qui devait régner sur le plateau entre le couple Allen/Farrow.
Tout le film « Husbands & Wives » est d’ailleurs chargé d’énormément d’électricité. C’est en quelque sorte le pendant dramatique de « Whatever Works », car si ce film-là nous expliquait qu’en amour il ne fallait pas hésiter à suivre son ressenti du moment que cela fonctionne et qu’on y trouve le bonheur, ce film-ci nous fait comprendre que le bonheur d'un couple est très, vraiment très fragile. Et que rester ensemble par peur de la solitude n'est pas une très bonne idée, mais parfois on n'arrive tout simplement pas à partir.
Lorsqu’on sait que pour Woody Allen, l’amour ne sauve pas nécessairement le couple, on en a ici un bon exemple – même si l’un des couples (celui de Sally & Jack) finit par se retrouver… mais se retrouve-t-il réellement ou est-ce une victoire des manipulations de Sally ?
Tous les psys vous le diront = il est très difficile de se séparer de son bourreau et je n’ai pas pu m’empêcher de voir en Sally une sorte de « bourreau » d'elle d'abord, de autres qu'elle manipule ensuite.
C’est en tout cas (comme « Scènes de la vie conjugale » de Bergman) une histoire sous le microscope = les couples sont étudiés, disséqués = qu’est ce qui les unit, qu’est ce qui les sépare, qu’est ce qui les amuse ensemble ou fait rire l’un mais pas l’autre …
C’est une histoire universelle de couples, les légitimes, les moins légitimes, les couples récents, les « vieux » couples, bref tous ceux qui sont dans une relation qui leur convient, et si elle ne leur convient pas = partir ou tenter de discuter pour faire en sorte que cela fonctionne.
Judy Davis est absolument formidable dans le rôle de Sally, elle a manqué de peu l’oscar du meilleur rôle secondaire cette année là (1992) et elle l’aurait amplement mérité – interpréter les garces d’une telle manière, c’est du grand art. Ses émotions sont une réelle tornade (certains critiques l’ont comparée à la « Martha » de « Who’s afraid of Virginia Woolf »).
Elle incarne un personnage féminin assez récurrent chez Woody Allen = celui de la femme difficile à vivre, manipulatrice, celle qui a tout (intelligence, élégance, beauté, humour) mais qui n’arrive absolument pas à se sentir heureuse, ce qui la rend amère, cynique, critique à l’égard des autres, égocentrique au possible, en un mot = névrosée. Et très seule, ce qui fait que l’on a (presque) pitié d’elle.
Son époux est interprété par Sydney Pollack, qui n’est pas seulement un réalisateur de talent mais aussi un excellent acteur.
Comme l’est Woody Allen en Gabe, l’époux de Judy, interprétée par Mia Farrow (qui une fois encore nous « régale » de son air de petite fille malheureuse). Ses meilleurs rôles lui sont venus de Woody Allen, qu’a-t-elle tourné d’intéressant depuis ?
Les autres rôles sont tenus par Liam Neeson (dans un rôle romantique et tendre), Blythe Danner, Juliette Lewis et Lysette Anthony (toutes deux jouant les lolitas). Tous sont amusants dans cette histoire de couples à la dérive, tournée à la manière d’un documentaire télévisé (d’où la comparaison avec le film d’Ingmar Bergman). Woody Allen avait d’ailleurs envie de tourner le film en 16 mm, afin de lui donner un petit aspect réellement documentaire mais les producteurs s’opposèrent à cette idée, toutefois la caméra balaie le champ visuel, comme dans un documentaire et les personnages sont régulièrement face à la caméra, comme s'ils étaient interviewés par une équipe de télé-réalité (ce dont Woody Allen adore se moquer).
Woody Allen, dont l'ensemble de l'oeuvre est une « Comédie Humaine » que n’aurait pas désavoué Honoré de Balzac, une fois de plus est à la poursuite de la signification de la vie (ce fameux « grand plan » dont nous faisons partie, si seulement nous pouvions savoir lequel) – ce qui pourrait être rasoir au possible, mais qui sous son regard d’entomologiste sarcastique s’avère souvent fort drôle, même dans des cas désespérés.
Et en plus, petite cerise sur ce gâteau, il y a une courte scène dans Central Park où notre professeur Rath (Gabe) avoue son rêve de partir vivre quelque temps à Paris, pour y écrire, s'installer à une terrasse de café, se promener dans les rues de Paris le soir ... ça ne vous rappelle pas quelque chose de récent ?