DAPHNE DU MAURIER
Daphne du Maurier est une romancière sous-estimée, à mes yeux.
On la connaît par certains de ses romans les plus fameux – Rebecca, My cousin Rachel – mais ses autres romans sont moins appréciés et pourtant, quelle richesse, quelle imagination, quelle observation de la nature humaine – ce dernier point surtout n’est pas assez développé lorsqu’on parle d’elle.
Actuellement, on parle d’Elizabeth Taylor, de Mary Wesley, de Maggie O’Farrell, comme des exemples de romancières britanniques développant des personnages aux personnalités troubles et passionnantes. Le cinéma aussi a rendu hommage aux romans de Daphné du Maurier – Rebecca, My cousin Rachel, encore, mais aussi The Birds et Don’t look now, Jamaïca Inn. C’est extrêmement réducteur selon moi.
Daphne du Maurier naquit (en mai 1907, au sein d’une famille d’artistes = son père était un acteur célèbre en son temps, Gerald du Maurier, sa mère était la comédienne Muriel Beaumont, sa sœur aînée était également romancière (Angela du Maurier), son grand-père était l’écrivain George du Maurier, également caricaturiste pour la revue « Punch ».
Des critiques en leur temps ont reproché à Daphne du Maurier de manquer de « force »dans l’écriture, et pourtant il suffit de lire ou (relire) ses romans pour comprendre que la nature humaine n’avait pas beaucoup de secret à ses yeux.
Il est vrai que les années 1950 privilégiaient les « jeunes gens en colère » dont l’écriture passionnait les critiques, plus que les lecteurs d’ailleurs ; on la considéra dès lors comme désuète, donc inintéressante. Et pourtant …
Il y a dans ses romans une atmosphère, un mystère, qui donne envie de se plonger dans les aventures de ses personnages, heureux mais souvent aussi malheureux de leur propre chef.
Daphne du Maurier avait une réelle fascination pour les Brontë, ce qui lui fit d’ailleurs écrire une biographie de Branwell, le frère « maudit ». Il est vrai que la mère des enfants Brontë était native des Cornouailles britanniques et la romancière avait également une réelle fascination pour cette région. Par ailleurs, certains de ses romans possèdent un contexte historique fort bien étudié, comme par exemple « Mary Ann », une biographie romancée de son aïeule Mary Anne Clarcke, maîtresse de Frederick, duc d’Albany & York, frère du roi George IV.
Alors que de nos jours, la sci-fi et la fantasy font les beaux jours des libraires, du Maurier était elle aussi passée maître dans le genre (The House on the Strand, The Birds, Don’t look now, Rule Britannia).
Il faut aussi redécouvrir ses écrits de jeunesse, des nouvelles mais qui annoncent déjà la romancière qu’elle sera.
Plus tard, lorsqu’elle sera établie comme romancière, elle écrira aussi des essais et des pièces de théâtre ; tout comme dans certains de ses romans, ses pièces mettent en scène des personnages de la vie réelle qu’elle a côtoyés, telle la comédienne Gertrude Lawrence dont elle fut une intime.
Daphne du Maurier, devenue Lady Browning par son mariage avec le lieutenant-général Frederick Browning, eut trois enfants de son époux ; selon les observateurs de l’époque, le couple n’était pas très chaleureux, on reprochait d’ailleurs à la romancière d’être distante et froide même avec ses enfants, ceci surtout en période d’écriture car immergée dans ses romans et personnages, du Maurier ne s’occupait de rien ni de personne.
Elle avait aussi la réputation de ne pas être très sympathique, surtout lors d’événements publics – qu’elle fuyait d’ailleurs comme la peste.
Selon moi Daphne du Maurier devait avoir une certaine dose de timidité, qu’elle cachait sous des dehors hautains.
Par contre, ceux qui la connaissaient en privé, disaient tous que c’était une femme charmante, accueillante dans la propriété de Menabilly dont elle dut malheureusement déménager dans les années 1960, mais finalement la propriété de Kilmarth qu’on lui proposa en échange finira par conquérir son cœur également et elle y recevra avec bonheur ses enfants et petits-enfants.
Ses cendres y furent éparpillées, lorsqu’elle mourut à l’âge de 81 ans.
Elle s’impliqua énormément dans la région des Cornouailles, était membre du parti nationaliste cornouaillais ; une grande partie de la trame de ses romans est située dans cette région, qu’elle décrit avec talent.
Daphne du Maurier a alimenté l’imagination de ses contemporains friands de cancan, pour sa bisexualité, ayant eu des aventures amoureuses avec deux femmes connues, dont Gertrude Lawrence – il est vrai que son père ayant souhaité un autre fils, la petite fille grandit comme un garçon manqué, préférant les jeux de plein air à des activités plus « féminines ».
Selon ses propres paroles, à l’adolescence elle « étouffa » en elle le petit garçon pour devenir une jeune femme accomplie, mais c’est probablement cette partie masculine enfouie en elle qui lui donna sa force d’écriture.
Quoiqu’il en soit, c’est un écrivain que j’apprécie énormément et j’avais très envie de lui rendre cet hommage alors que je suis plongée dans l’un de ses plus passionnants romans.
(cette petite chronique biographique a été possible grâce aux informations sur le site de daphne du maurier, mais également adaptée d’ introductions à ses romans).