LE GOUT AMER DE L'AMERIQUE, d'Alain Berenboom
Georges est amoureux !
là rien de très original, par contre la dame de ses pensées, la très belle Louisa, mannequin, le déroute totalement. Il est vrai que la jolie dame se dérobe régulièrement, part sans prévenir pour une séance de photographie, le laissant là à se demander s’il la reverra un jour et si elle a, ou non, une double vie.
Heureusement, il y a Ahmed – qui déteste l’Amérique, c’est son dada à lui de manifester contre l’impérialisme américain et il aimerait bien que Georges s’implique un peu plus.
Mais Georges, c’est un rêveur, un tendre, qui vivote grâce à des petits boulots mais dont le rêve est d’écrire une biographie sur James Stewart, acteur emblématique représentant cette Amérique contre laquelle lutte Ahmed.
Pourquoi « James Stewart », acteur fétiche de Frank Capra et Alfred Hitchcock ?
Parce que Leo Malgudi, le grand-père de Georges, est un fou de ciné des années 50 et surtout de westerns ; accessoirement il est aussi fou de genièvre et d’omelettes. Un sacré phénomène que ce Leo !
Il est un peu perdu notre Georges dans tout ça, il livre les petits pains et les croissants, tôt le matin forcément, lorsqu’ils sont frais, après s’être chamaillé avec Monsieur Robert le boulanger, qui prétend que c’est James Stewart et non Gregory Peck qui roulait en vespa dans Rome avec Audrey Hepburn. (Quand on n’y connaît rien au cinéma, on se tait !)
Après avoir abordé l’après-guerre bruxelloise et les « hard boiled » detectives de ces années-là (Chandler, Hammett, etc) débarquant sur l’Europe, Alain Berenboom - (prof à l’ULB, avocat, écrivain, administrateur de la cinémathèque de Belgique, etc) - dont la casquette préférée est celle de "raconter des histoires", nous régale avec une réflexion sur l’Amérique, tellement citée en modèle au cours du temps – comment ce pays en est-il arrivé au bout du gouffre tout en continuant à jeter de la poudre aux yeux ?
C’est au travers des films de l’acteur James Stewart, que notre apprenti-écrivain, image parfaite du « loser sympathique », en brosse un portrait tout en demi-teintes.
Moins caustique que « Périls en ce royaume », « Le Goût amer de l’Amérique » est à nouveau un portrait plutôt tendre d’une série de personnages, dont notre « loser », alias Georges Malgudi, amoureux transi d’une ravissante créature entretenant savamment un certain mystère.
En dehors de Louisa (prénom qu’elle s’est choisi , qui n’est pas du tout celui donné par ses parents – là je la rejoins totalement) et surtout le savoureux grand-père Leo – à travers lui, c’est aussi un portrait mélancolique de la vieillesse et comment elle est perçue par l’entourage, mais on n’est jamais dans le pathos, au contraire.
Ce Leo vaut la lecture du livre à lui seul.
Reste encore Ahmed, le tout bon copain marocain, susceptible à un point qu’il passe son temps à se brouiller avec Georges, il est aussi un militant pur et dur contre l’Amérique, l’ennemi juré de George Bush (on le comprend), le champion du thé à la menthe « comme là-bas » (recette ancestrale des femmes de la famille tout de même !).
Encore un agréable moment de lecture, où amour, tendresse, mélancolie, se mêlent au mystère du personnage de Louisa et où l’on se demande si notre Georges va enfin l’écrire ce roman.
Il est beaucoup question des films de James Stewart, bien sûr, ce qui ajoute au plaisir de la lecture à la cinéphile que je suis. Et comment ne pas identifier notre Georges au Jimmy Stewart dans « The little shop around the corner » (de Lubitsch), tendre maladroit, prêt à tout pour celle qu’il aime…
Ecrit avec simplicité, vite lu parce qu’un livre pas trop épais, bref que peut-on vouloir de plus …. (sauf si on brigue le premier prix de l’intello de service).