LE CERVEAU DE KENNEDY, d'Henning Mankell
Titre original : Kennedys hjärna
Pour Louise Cantor, archéologue de terrain, la saison des fouilles se termine et elle est impatiente de retrouver son fils Henrik, dont elle se croit proche. Le ressentiment à l’égard du père d’Henrik est très fortement ancré en cette femme, au point que sans arrêt sa désertion lui revient en mémoire, d’autant plus que le téléphone d’Henrik ne répond pas et qu’il ne la rappelle pas après ses messages.
Après un bref arrêt à Visby pour une conférence où son exposé sur les vases de l’Attique (rouges et noirs) est fort apprécié, Louise est très pressée d’arriver à Stockholm – et c’est alors que sa vie va basculer à tout jamais. Louise Cantor trouve son fils Henrik, mort, dans son lit et c’est comme ci elle aussi mourrait.
Bien que la police conclue à un suicide (Henrik a absorbé une énorme quantité de somnifères), Louise n’accepte guère cette conclusion ; pour elle, son fils a été assassiné et désormais, elle va parcourir le monde s’il le faut pour savoir. Tout d’abord il lui faudra retrouver Aron Cantor, père d’Henrik, afin de lui annoncer la nouvelle – Aron vit en Australie désormais et Louise continue à être convaincue qu’il ne cherche qu’à fuir une nouvelle fois, loin des mauvaises nouvelles, loin de la réalité, loin de ses responsabilités.
Du Mozambique, où elle découvre l’implication de son fils dans le combat contre le SIDA, ainsi qu’une jeune femme qu’il aimait, à Barcelone où il avait aussi un appartement et une amie, jusqu’en Australie pour retrouver le père d’Henrik, Louise va tenter de regrouper toutes les pièces du puzzle de la même manière que lorsqu’elle découvre des éléments de poterie dont chaque morceau s’emboîte afin de reconstituer la pièce complète.
S’est immédiatement imposée en moi une comparaison avec le thriller de John Le Carré « The Constant Gardner », avec une impression de plus de profondeur dans ce livre-là, car il y a tout de même un petit peu d’incohérence dans la construction du livre de Mankell.
En voulant construire son roman comme un thriller psychologique, on ne sait pas toujours où on en est.
J’ai ressenti une certaine empathie pour Louise Cantor, femme et mère blessée à tout jamais, désireuse de faire toute la lumière sur la mort de son fils (c’est là qu’intervient ma comparaison avec le livre de Le Carré).
Et tout comme dans ce roman-là, on part à travers le monde, de la Grèce à la Suède, en passant par le Mozambique et l’Australie en quête de vérité.
Quant à ce « cerveau de Kennedy » dont Louise trouve des coupures de presse dans les papiers d’Henrik, il sert d’élément métaphorique = être à la recherche de quelque chose d’insaisissable qui a disparu sans laisser la moindre trace et pour toujours.
Abstraction faite des quelques légers défauts de ce roman, le livre est à lire absolument, tout comme il faut lire le roman de John Le Carré, dont le suspense est bien plus fort, là on sent vraiment que le héros est menacé – ici, on sent bien qu’il se passe quelque chose derrière les visages rencontrés, mais ce n’est jamais réellement inquiétant – en tout cas je n’ai pas ressenti le même suspense angoissant.
Dans la postface, Henning Mankell explique les raisons de cette écriture et exprime sa colère face à cette Afrique qu’on laisse crever lentement mais sûrement.
Rien que pour cela, il faudrait que chacun lise ce roman « engagé », mais il vaut mieux ne pas trop y chercher l’élément « thriller » car c’est plutôt l’aspect « quête personnelle d’une mère » qui l’emporte.
Mais cet aspect là est si poignant qu’on a réellement envie de finir le roman, qui n’apporte néanmoins aucune réponse à Louise.
Henning Mankell partage lui aussi son temps entre la Suède et le Mozambique, où il participe de toutes ses forces dans la lutte contre le SIDA.
(J’ai bien aimé aussi la comparaison entre le travail d’archéologue et celui d’enquêteur – c’est d’ailleurs une comparaison que l’on retrouve dans les polars à thème de Kate Ellis, dont les personnages récurrents mènent toujours de concert une enquête sur un crime actuel et une enquête archéologique.)
D'autres avis sur le roman d'Henning Mankell = unmomentpourlire, dasola, (et probablement quelques autres que je n'ai pas nommés, ce n'est pas un oubli volontaire.)