SUR LES TRACES DU QUARTANIER, de Nicole Provence
Une enquête de l’adjudant Di Nazzo
Il est prévu qu’un viaduc soit construit pour le passage du TGV près de Meyssiez dans l’Isère ; cela requerra des expropriations et dans le village, les langues vont bon train – qui vendra ? qui ne vendra pas ? les esprits et les passions s’échauffent.
Un jour, des promeneurs trouvent un cadavre à moitié caché, dans un terrier de renard ; comment est-il arrivé là et surtout qui l’a tué ? Une nouvelle enquête démarre pour l’adjudant Di Nazzo et ses collègues, ainsi que le nouveau chef Borry.
Une liste assez longue de suspects, parmi lesquels un certain Claudius, un homme qui aime les sangliers, ne les considère pas comme des bêtes sauvages qu’il faut abattre car ils détruisent les champs. C’est pour cela qu’il s’en occupe.
Mais alors, si Claudius tente de limiter les déplacements sauvages des bêtes, pourquoi a-t-on tué le quartanier, son préféré, un animal superbe.
Qu’est devenue Eveline, la jolie épouse de Paulin Mougeon, ancien de la guerre d’Algérie, un homme qui a la rage en lui depuis ce temps-là. On ne retrouva, d’Eveline, qu’une jambe là où viennent les sangliers – qui comme on le sait – sont carnivores. Alors accident ?
Sandrine Mougeon, aussi jolie que sa mère, est l’objet d’intérêt de deux prétendants : un homme assez timide, Grégoire, propriétaire terrien, homme timide et respectueux, et Manu, surnommé « le Gitan », propriétaire d’un haras.
Tous deux convoitent des terres du Paulin Mougeon, qui ne semble pas pressé de vendre, mais elles tomberont dans l’escarcelle de la dot si la belle se décide. Seulement voilà, Sandrine joue à la coquette, s’intéresse parfois à l’un, parfois à l’autre et les deux hommes commencent à perdre patience.
Puis, un jour, c’est Sandrine qui disparaît ; a-t-elle décidé de fuir le village animé par tant de passions et un père qu'elle ne supporte pas ? ses deux prétendants disent chacun n’avoir aucune idée d’où elle se trouve. Mensonge ? Vérité ?
Voilà une enquête qui va s’avérer longue et fastidieuse, et peut-être même devoir être classée « sans suite ». A moins que celui considéré comme le principal suspect soit réellement le coupable, ce qui serait dommage car c’est un homme sympathique au demeurant.
C’est assez effrayant de constater à quel point un petit village, finalement, est aussi sordide que la ville.
Qu’en ville il y ait des tueurs, des gens malsains, on s’y attend un peu – une ville est tentaculaire et souvent sombre et dure pour qui s'y perd.
Un petit village, par contre, évoque automatiquement quelque chose de paisible, bucolique, entre promenades et apéro au bistrot, ou place du marché. Rien n’est plus trompeur.
Au lieu de cela, meurtres, jalousies, convoitises, vengeances y paraissent monnaie courante.
Non, vraiment sous la plume de Nicole Provence (tout comme sous celle d’Agatha Christie d’ailleurs – demandez donc à Miss Marple !), un village n’est pas nécessairement un lieu paisaible, les ragots y vont bon train, la méchanceté couve comme les insectes sous les pierres.
Et c’est pourtant dans ce type d’ambiance, que la romancière nous transpose avec une sorte de magie, celle de sa plume en guise de baguette magique, et partage avec ses lecteurs/lectrices le souffle du vent, la beauté aride des paysages, les parfums de la terre humide des sous-bois.
Après la légère déception que fut « La dernière cuvée de Marianne » qui ressemblait trop à « La Pierre du diable » à mon gré, j’ai retrouvé avec plaisir l’adjudant Bernard Di Nazzo, ainsi que son nouveau « chef » et son collègue râleur et misogyne dans une histoire pas belle de disputes autour de terres à acquérir à n’importe quel prix, même au prix du bonheur d’une jeune fille aimant souffler le chaud et le froid sur ses prétendants.
C’est volontairement que je tais l’identité du chef Borry, car c’est un moment très amusant du début du roman, à découvrir par les lecteurs/lectrices.
Les personnages sont, comme toujours, très bien typés, ils sont tellement bien décrits au physique comme au caractère qu’on a presque l’impression de les voir devant soi au fil de la lecture.
Dans les villages, les rancunes sont tenaces, d’autant plus tenaces que les lieux étant peu étendus, on retrouve sans cesse son ou sa nemesis, ce qui nourrit forcément le fiel et la haine.
Petite note didactique : nous savons tous que la laie est la femelle du sanglier, que les marcassins sont les petits et les vieux sangliers sont nommés des solitaires. Un jeune sanglier ayant perdu ses rayures de marcassin est appelé une bête rousse.
Mais j’ai appris, grâce au roman, qu’un quartanier était un sanglier de 4 ans et qu’un ragot n’est pas nécessairement une rumeur que l’on colporte, mais un sanglier de 2 ans d’âge.