NO MORE DYING THEN, de Ruth Rendell
Titre français : Le Petit Eté de la St-Luc
6ème enquête de l’inspecteur en chef Reg Wexford et son adjoint Mike Burden
Ce que nous appelons « l’été indien » est appelé « St-Luke’s Little Summer » au Royaume-Uni, c’est une période de douceur dans l’air, des journées ensoleillées, qui ne devraient apporter que joie et bonne humeur. Et c’est au cours de l’une de ces douces journées d’octobre que disparaît le petit John Lawrence, fils d’une mère un peu bohème et que l’inspecteur Mike Burden va, intérieurement accuser de négligence, surtout lorsqu’il voit l’état de la maison où ils vivent.
Lorsque l’annonce de la disparition du petit John est connue dans Kingsmarkham, la petite ville a encore en mémoire la disparition , neuf mois auparavant, de la jeune Stella Swan-Rivers.
Pour l’inspecteur en chef Reginald Wexford il ne fait aucun doute qu’à présent la petite Stella est morte, même si son corps ne fut jamais retrouvé ; néanmoins la disparition du petit garçon fait aussi rouvrir le dossier Swan-Rivers, les deux affaires étant peut-être liées.
Evidemment, lorsqu’un enfant disparaît, tout le monde est suspect, y compris les parents. Commence à nouveau les longs et pénibles interrogatoires des voisins, connaissances, et les parents, tant Rivers que Gemma Lawrence et Wexford ne peut pas beaucoup compter sur son adjoint qui a perdu son épouse il y a un peu plus de six mois ; l’homme est en pleine dépression même s’il le nie, ses enfants ne l’intéressent plus, sa belle-sœur – qui est venue pour l’aider en ces durs moments – est traitée avec la plus grande indifférence et se sent reléguée au rang de bonniche.
C’est pourtant Mike Burden qui se charge de la mère du petit John, la jeune femme – mère divorcée – n’est pas fort appréciée dans le quartier, elle n’est guère coulée dans le même moule que les bourgeoises épouses de Kingsmarkham, parfaites maîtresses de maison.
Pourtant, Burden réalise qu’elle n’est pas du tout la mère négligente qu’il lui paraissait au premier abord et peu à peu cette jeune femme, aussi peu conventionnelle que lui est psycho-rigide, l’attire tellement qu’ils deviennent amants.
Il passe de plus en plus de temps auprès d’elle, négligeant encore plus son foyer et le travail au commissariat.
Wexford, son chef direct, le couvre autant que possible, mais il sait bien que tôt ou tard il faudra mettre Burden au pied du mur, sinon ce sera la mise à pied.
Et alors que les interrogatoires n’apportent que très peu d’informations valables, des lettres anonymes particulièrement méchantes arrivent au commissariat, l’auteur prétend détenir le petit garçon, à qui il n’est fait aucun mal, il passe simplement un peu de temps à la ferme de son ravisseur qui prétend qu’il le ramènera à la mère et à la mère seule, surtout pas accompagnée des flics. Si seulement tout cela était vrai et non l’œuvre d’un maniaque comme il en apparaît systématiquement dans une enquête de ce type.
Comme d’habitude, Ruth Rendell m’a tenue en haleine du début à la fin de cette histoire d’enlèvement et de meurtres d’enfants, les pires qui soient à investiguer pour des policiers.
Suivant son habituelle formule, la romancière britannique met autant l’accent sur l’aspect psychologique des personnages que sur l’enquête proprement dite.
Ici, c’est surtout la personnalité de l’inspecteur Michael (Mike) Burden qui est en vedette ; ébranlé par la perte de son épouse, son deuil, la dépression dans laquelle il sombre, sont décrits avec pudeur mais aussi avec énormément de véracité, je peux en témoigner.
Que ce soit l’indifférence suscitée par ses enfants, l’exaspération à l’égard de sa dévouée belle-sœur qui lui rappelle un peu trop son épouse, son besoin de combler la solitude morale et physique provoquées par la mort de sa compagne avec qui il vivait en parfaite osmose, tout sonne vrai et poignant.
Les personnages des parents Swan et de la mère célibataire sont également fort bien étudiés et décrits, tout comme les habitants de la petite communauté de Kingsmarkham, où tout n’est pas toujours aussi calme et bucolique qu’il semble – la haine, l’indifférence, la méchanceté se cachent comme des insectes sous les pierres.
L’inspecteur en chef Wexford est comme toujours compatissant, ses joutes verbales avec son médecin sont amusantes mais ne lui apportent pas la satisfaction des longues discussions qu’il avait avec son adjoint avant le drame personnel qui l’a frappé.
On découvre aussi que, sans en avoir l’air, notre Wexford est très cultivé, Shakespeare, George Eliot et tant d’autres n’ont guère de secret pour lui (comme son collègue Morse, par exemple).
Un excellent roman, un cadeau de ma chère Manu que je remercie de tout cœur, une fois encore (vous allez rire, mais je suis en totale panne de lecture – oui malgré la PAL monstrueuse – j’ai donc temporairement abandonné le superbe roman « The Ballad and the Source » de Rosamond Lehmann, une relecture suscitée par le roman de Jonathan Coe – et je me suis replongée dans les polars, jusqu’à ce que j’aie à nouveau la tête à lire des livres plus sérieux.)
Ruth Rendell était la romancière préférée du cinéaste Claude Chabrol, récemment disparu ; il aimait son écriture trempée au vitriol pour ses romans autres que ceux avec Wexford et Burden et en a adapté plusieurs au cinéma (« La Demoiselle d’honneur », « L’Analphabète », etc)