DIVORZIO ALL'ITALIANA, de Pietro Germi
Titre français = Divorce à l’italienne
Titre anglais = Divorce, Italian style
Scénario de Pietro Germi, Ennio De Concini, Alfredo Giannetti et Agenore Incrocci, d’après le roman de Giovanni Arpino « Un delitto d’amore »
Le jeune baron Ferdinando Cefalù – dit Fèfè - revient par le train vers Agramonte où l’attend sa famille. Pendant le trajet, il reflète sur les dernières années de sa vie.
Marié à Rosalia, une épouse envahissante, pas très belle et d’un tempérament amoureux épuisant, surtout quand on est comme Fèfè amoureux d’une jolie cousine. Qui semble répondre à ses sentiments, malgré l’oncle Calogero qui s’est approprié lentement mais sûrement tout le patrimoine de la famille Cefalù à cause des dettes de jeu du baron senior.
Comment se débarrasser de Rosalia ? Bien sûr, il en rêve le baron junior, mais on ne tue pas les gens sans raison… Un procès pour « honneur bafoué » va lui donner des idées, surtout après avoir découvert que Rosalia avait un amour de jeunesse qui est revenu au pays et que ce peintre, Carmelo Patanè l’aime toujours lui aussi. Pour Ferdinando, le motif est tout trouvé : il va pouvoir prendre son épouse en flagrant délit d’adultère, la tuer pour « laver son honneur dans le sang », coutume très courante en Sicile.
Lors d’une projection du film « La Dolce Vita »’, où se retrouve absolument tout le patelin, malgré l’interdit du curé (mais ça tout le monde s’en fout !), les amoureux transis que sont Rosalia et Carmelo vont mettre des fameux bâtons dans les roues des projets de Fèfè.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, « Divorzio all’italiana » de Pietro Germi n’est pas la suite « Matrimonio all’italiana » qui était lui de Vittorio de Sica.
« Divorzio » fut réalisé en 1961, alors que « Matrimonio » ne vit le jour que trois ans plus tard.
Grand classique désormais, le film entre, comme de bien entendu, dans ce qui fut la typique « comédie italienne » des années 60, qui tout en faisant rire le spectateur aborde des sujets très sérieux, comme ici le divorce toujours considéré comme illégal en Italie ces années-là, que l’on aimerait dès lors camoufler en « crime d’honneur ».
Quel plaisir aussi que cette saison des reprises qu’est l’été, qui permet de découvrir ou re-découvrir des films de l’âge d’or du cinéma, qu’il soit italien, britannique ou américain.
Le film remporta de nombreux prix, ce qui n’a rien de surprenant, vu la qualité non seulement du scénario mais du jeu des acteurs. Oscar 1963 du scénario original écrit pour le grand écran, nominations pour l’oscar du meilleur réalisateur et du meilleur acteur dans le rôle masculin principal.
Il participa également au festival de Cannes 1962 où il remporta le prix de la meilleure comédie.
Marcello Mastroianni remporta le BAFTA du meilleur acteur international, plus les deux Golden globes en 1963.
En 1963, le film a également été classé comme meilleur film étranger de l’année par le National Board of review of Motion pictures.
Pietro Germi, réalisateur de nombreux films du néo-réalisme italien, passe ici à la satire de société avec un égal bonheur. L’histoire est cruelle à souhait, passe à la loupe les mentalités étriquées, méchantes d’un petit patelin où seule la vie des habitants est un moment de distraction pour les femmes cachées derrière leurs petits volets et les hommes tous réunis au bistrot ou au club local.
Marcello Mastroianni est un baron plein de saveur, cheveux gominés ou frisés selon le moment, et moustache lisse au-dessus du porte-cigarettes. La vraie caricature du bellâtre italien comme on nous le montrait dans les années 50.
L’objet de son désir, la ravissante Stefania Sandrelli, montre ici pour la première fois à l’écran le talent qu’elle confirmera tout au long de sa carrière d’actrice, avec humour et sensibilité. Ses faux airs d’ingénue sont absolument parfaits, comme on pourra le constater dans la scène finale.
Daniela Rocca n’est pas moins belle (comme en atteste la photo où elle paraît dans un peplum (la Bataille de Marathon) ; l’actrice paraîtra d’ailleurs dans pas mal de peplums avant son rôle dans « Divorzio all’italiana », où elle va pouvoir montrer qu’elle a un réel talent d’actrice.
Elle fut fort enlaidie pour les besoins du film : sourcils épais « à l’italienne », mais surtout et très dérangeant une petite moustache, les femmes du sud ayant souvent un léger duvet sur la lèvre supérieure.
Sans oublier une coiffure ridicule, qui suffisait d’ailleurs à l’enlaidir, le reste n’était pas vraiment pas nécessaire – mais il fallait qu’elle soit moche dans l’esprit de Fèfè en contraste avec la mignonne cousine.
Le sort de Daniela Rocca sera typique de ce que l’on a appelé celui des « reines du celluloïd », dont Edgar Morin, Roland Barthes ou Marjorie Rosen (dans son excellent « Popcorn Venus ») – une très jolie femme, talentueuse, mais nerveusement fragilisée par un monde où le paraître domine l’être.
Son équilibre fut déjà ébranlé durant le tournage à cause de sa relation avec Pietro Germi et à partir de là, le monde de Daniela Rocca fut surtout traversé de passages en clinique psychiatrique, qui finalement mirent fin à sa carrière.
Pourtant elle avait bien du talent, comme en témoigne son rôle dans « Divorzio ». De plus, pendant sa période de convalescence, elle écrivit des poèmes, certains enregistrés mais hélas introuvables dans le commerce désormais.
La jolie petite cité sicilienne d’ISPICA forme le décor naturel de la ville inventée pour l’écran d’Agramonte.
La photographie en noir et blanc apporte quelque chose de particulier à l’ambiance arride des extérieurs et rend les intérieurs de la vieille demeure ancestrale particulièrement pathétiques, comme ses habitants.
Le loi sur la légalisation du divorce en Italie ne viendra d’application qu’en 1970, avant cela, combien de drames n’aura pas suscité une loi interdisant aux femmes de se libérer de mariages malheureux, trompées, bafouées.
Sympathique clin d'oeil également, dans le film, de Pietro Germi au film de Federico Fellini "La dolce vita", que le curé du village, en chaire, "interdit" de vision, ce qui a bien sûr pour conséquence que tout le monde s'y retrouve. Les curés sont les meilleurs publicitaires du cinéma !