BROOKLYN'S FINEST, d'Antoine Fuqua
Titre français = L’Elite de Brooklyn
Eddie Dugan est un flic à 7 jours de la retraite, il compte ne pas faire de vagues jusqu’à ce jour attendu avec impatience depuis les 22 ans qu’il est dans la police et où le quotidien de 65ème district n’est rempli que de cas sordides. Ses collègues le méprisent, les nouvelles recrues n’aiment pas travailler avec lui, il est le looser par excellence, qui a besoin de siffler du whisky dès le matin pour tenir le coup.
Salvatore (Sal) Procida est détective dans le 65ème district ; il souhaite offrir une vie meilleure à sa famille – de 5, ils vont passer à 7 car son épouse attend des jumeaux. Le problème est que leur maison est insalubre et met la vie de sa femme et des jumeaux en danger, Sal a un besoin pressant d’argent, car il a des vues sur une nouvelle maison. Pour arriver à ses fins il est prêt à tout, même au pire.
Le détective Clarence Butler, alias « Tango », est un flic infiltré qui doit aider à coffrer des trafiquants de drogue ; Butler en a assez de ce travail, il veut redevenir un flic habillé d’un costar et non plus de la tenue du « black » de service, avec diamant dans l’oreille, chaînes en or, casquette etc. Il veut la promotion qu’on lui a promise depuis longtemps et qu’on n’arrête pas de postposer en lui demandant un dernier travail.
Cette fois il s’agira de coffrer la bande, quitte à trahir pour cela son ami, Casanova Phillips, l’un des patrons de la drogue. « Tango » a des scrupules, « Caz » lui a sauvé la vie en prison, lorsqu’il était en mission. Mais l’agent fédéral Smith ne l’entend pas de cette oreille, il coffre Caz ou il n’a pas sa promotion ; le lieutenant Patton, supérieur direct de Butler, fait ce qu’il peut pour atténuer les paroles désagréables de cette femme qui n’a aucun respect pour ses subalternes.
Ces 3 hommes, aussi looser l’un que l’autre, qui ont tous atteint le fond du désespoir, qui n’ont en commun que le 65ème district de Brooklyn où ils travaillent, et plus particulièrement Browsville et la cité des Van Dyke Houses, vont se retrouver une même nuit au même endroit face à leurs destins.
Antoine Fuqua a construit un excellent film de facture plutôt classique, plein de tension, de violence, mais aussi d’émotion. Tout y est sombre = les situations, les personnages, les lieux. Tout est glauque dans les vies des protagonistes. Que ce soient des dealers qui se trahissent entre eux, ou des flics ripoux, ou des supérieurs qui ne s’encombrent d’aucun scrupule pour étouffer des affaires où la police n’a pas le beau rôle, il y a pas un personnage – du moins en apparence - pour rattraper les autres.
L’interprétation est absolument excellente : Richard Gere interprète avec vérité Eddie Dugan, flic au bout du rouleau, suicidaire, qui n’a pour seule personne amie dans sa vie qu’une prostituée qui ne veut pas quitter la vie qu'elle mène. Celle-ci est interprétée par Shannon Kane.
Réellement, Gere est fantastique à observer, il reste imperturbable sous les insultes, dans les circonstances, comme si rien ne l’affectait. Voilà un acteur qui mériterait qu’on lui présente plus souvent des rôles de composition.
Ethan Hawke qui est un acteur que je n’ai jamais vraiment apprécié, m’a complètement bluffée ici dans le rôle de « Sal », le flic qui ferait n’importe quoi pour de l’argent. Son meilleur ami, qui tente tant bien que mal de lui remonter le moral est joué par Brian O’Byrne et c’est Lili Taylor qui interprète l’épouse enceinte et asthmatique de Salvatore Procida.
Ethan Hawke avait déjà tourné avec Antoine Fuqua dans « Training Day », un film que je regrette ne pas avoir vu.
Quant à Don Cheadle – un acteur que j’apprécie énormément depuis le poignant « Hotel Rwanda - il est le détective Butler, flic infiltré depuis 2 ans, lui aussi au bout du rouleau ; sa mission lui a coûté son mariage, elle va aussi lui coûter son amitié et s’il ne fait pas gaffe, elle lui coûtera aussi sa promotion, surtout avec un pitbull de futur chef de service comme l’agent Smith. Elle est jouée par une Ellen Barkin en grande forme, hargneuse et détestable à souhait.
Le supérieur direct de Butler est interprété par Will Patton, un acteur que l’on ne voit pas assez souvent au cinéma à mon gré.
Wesley Snipes joue avec beaucoup de réalisme son ami, chef de gang, qui aimerait se sortir du bourbier dans lequel il vit et qui a des problèmes avec « Red » son second, qui voudrait devenir le chef du gang. Ce « Red » est interprété par Michael K. Williams.
« Brooklyn’s Finest » est un film où tout le monde baigne dans l’illégalité, les flics comme la pègre. Ici on est loin de policiers nets et intègres, comme « We Own the night » par exemple. Sur fond de bas quartiers de Brooklyn, on trouve bien quelques clichés sur la manière de présenter les trafiquants de drogue noirs, utilisant le mot « motherfucker » (pudiquement traduit par « enfoiré ») à tout bout de champ, avant ou après chaque mot d’une seule phrase. Peut-être cela correspond-t-il à la réalité, mais ça fait quand même très « cliché ».
Antoine Fuqua, le réalisateur, a rencontré pas mal de difficultés de la part des autorités pour filmer dans Brownsville, vu la violence et la corruption qui y règnent ; mais comme il le dit très justement = « c’est important de filmer, là où le scénariste situe son histoire ».
Quant à ce scénariste, Michael C. Martin, il est un ancien employé du métro blessé lors d’un accident de voiture il y a 6 ans. Afin de remplacer la voiture complètement détruite, il se cherchait des revenus supplémentaires et participa à un concours de scénarios dont le premier prix était de 10.000 $. Il ne gagna pas ce premier prix, mais il lui fut conseillé d’envoyer son travail à plusieurs studios et finalement, il fut remarqué par un producteur. Un conte de fées moderne en quelque sorte !
Je recommande vivement le film, surtout pour son interprétation ; c’est une histoire qui ne fait vraiment pas dans la dentelle et on sort un peu secoué quand même. Un vrai bon film policier et noir de chez noir (sans jeu de mots).