Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
mon bonheur est dans la ville
11 février 2010

THE BIG KNIFE, de Robert Aldrich

200px_Big_knife

Titre français = Le Grand Couteau

jaquette_199934

le_grand_couteau_wallpaper_139228_1038

le_grand_couteau_affiche_199935_1038

Scénario de James Poe

D’après la pièce de théâtre homonyme de Clifford Odets

Réalisation et production de Robert Aldrich

Alors que Charlie Castle s’entraîne à la boxe dans le jardin, arrive Patty Benedict, journaliste de presse à sensation hollywoodienne qui lui pose de nombreuses questions sur les rumeurs de séparation d’avec son épouse, auxquelles l’acteur répond avec le sourire que tout va bien dans son couple.

Arrive Marion, l’épouse de Castle. Exit la journaliste et l’attaché de presse des studios, un copain de l’acteur avec qui il partage un secret qui va peser très lourd dans la suite des événements.

grand_couteau4Marion Castle - qui ne connaît qu’une partie de la vérité à propos d’un accident de la circulation dans lequel a été impliquée la voiture de Charlie – pousse son futur ex-époux à se libérer de l’emprise du producteur et chef de studio, Stanley Hoff et de redevenir l’excellent acteur engagé qu’elle a aimé. Désireux de regagner son épouse, Charlie Castle promet.

Hélas,  lorsqu’arrive Stanley Hoff et son âme damnée Smiley Coy, devant les menaces du producteur et le chantage concernant l’accident, Castle craque et signe le nouveau contrat qui l’enchaîne littéralement aux studios pour 7 nouvelles années, malgré le soutien qu’a tenté de lui apporter son agent vieillissant, le brave Nat Danziger.

La vie de Charlie Castle va peu à peu ressembler à un enfer auquel il espérait échapper et reconquérir Marion ; celle-ci cependant accepte l’amitié d’un écrivain, ancien scénariste hollywoodien qui veut tenter sa chance à New York. Cet ancien copain de Castle n’est pas dupe des sentiments de Marion à son égard et il lui dit que bientôt elle devra prendre une décision définitive. Mais se sépare-t-on si facilement d’un homme que l’on a aimé, admiré pour ses idées pendant dix ans ?

Au cours des jours qui suivent la signature du nouveau contrat, Charlie va tenter de vivre avec  ce poids ; Castle est un brave type, l’erreur qu’il a commise il sait qu’il la paie chèrement, d’ailleurs la frivole épouse de son attaché de presse n’hésite pas à venir le relancer. Tout comme revient le relancer la starlette qui l’accompagnait dans la voiture ce jour-là. Dixie Evans est une jeune femme pathétique qui a perdu toute illusion sur une possible carrière en tant qu’actrice et qui s’est mise à boire pour oublier qu’elle est considérée comme « un accessoire » du studio ; l’ennui c’est que lorsqu’elle boit, elle parle. Trop.

1038__grand_couteau_01_02Stanley Hoff et Smiley Coy font comprendre à Charlie Castle qu’il faudrait se débarrasser de Miss Evans – l’acteur, au départ, pense qu’ils proposent de payer la jeune femme, mais petit à petit il réalise que ce qu’ils suggèrent est  bien pire.

L’acteur comprend alors que non seulement il s’est lié à ce producteur tyrannique et mégalo pour les 7 prochaines années, mais également pour toutes les années à venir. 

A Marion, qui l’a rejoint, il exige qu’elle se décide elle aussi, il en a assez qu’elle pose des conditions comme le producteur. Ou elle l’aime, ou pas, mais il en a assez que l’on joue avec lui. Et avec ses proches, car sa femme aussi va faire l’objet des menaces du producteur et de son âme damnée.

Charlie Castle se bat dans un dernier sursaut pour retrouver son intégrité. A quel prix !

C’est peu dire que je suis enchantée d’avoir découvert ce classique du cinéma américain que ce « Big Knife », véritable réquisitoire contre la machine hollywoodienne et ses producteurs tyranniques.

Le réalisateur Robert Aldrich décortique ici les rouages d’une machine qui a brisé plus d’un acteur ou actrice parce qu’ils n’acceptaient pas des clauses les liant à leur studio. L’un des plus beaux exemples sera Bette Davis qui pendant des années sera payée pour « ne rien faire » !

« The Big Knife » sera l’un des trois films qu’Aldrich consacrera à l’histoire du miroir aux alouettes qu’est la gloire cinématographique ; le second sera « What Ever Happened to Baby Jane », qui parlait des stars enfants incapables de passer le cap et devenir une star adulte, reléguée par les studios. Le troisième sera « The Legend of Lylah Clare »  où l’obsession du mari producteur d’une star disparue va mettre en balance l’équilibre fragile de la jeune actrice choisie pour interpréter le rôle de la morte.

« The Big Knife » ne sera absolument pas apprécié par le public et la presse américaine, par contre il fut acclamé au festival cinématographique de Venise où il remporta le lion d’or.

220px_RobertAldrichRobert Aldrich est un réalisateur/producteur qui s’est exercé à tous les genres, du western au films de guerre, où la dimension psychologique des personnages était plus importante que l’action même. Pour les films de guerre, cela lui valut également la ire des studios d’Hollywood où il était de bon ton, dans les années 50, de donner une image positive des militaires.

Après avoir travaillé comme assistant-réalisateur pour Jean Renoir, Joseph Losey, Charlie Chaplin, Abraham Polonsky, Aldrich se lança dans l’aventure du film d’auteur.

De sera grâce au formidable succès du film « The Dirty Dozen » que Robert Aldrich pourra fonder sa propre société de production. Il n’a pas hésité non plus à réaliser un film très controversé « The Killing of Sister George », où une actrice vieillissante, odieuse et lesbienne va devoir quitter la série où elle apparaît comme une nonne des plus charmantes. Il a également porté à l’écran des histoires où il n’hésitait pas à montrer à quel point les hommes blancs avaient détruit la nation indienne. (« Apache », « Ulzana’s Raid »).

« The Big Knife », tiré de la pièce homonyme de Clifford Odets, peut être assimilé à du théâtre filme ; d’ailleurs la mise en scène tend vers cela car tout se joue pratiquement toujours dans le salon des Castle. L’histoire est magistralement interprétée par tous les comédiens, que ce soient les rôles principaux ou les seconds couteaux.

jackpalance7Dans le rôle de Charlie Castle, un acteur plein d’idéaux, qui a fait trop de compromissions pour encore pouvoir retourner en arrière, l’acteur Jack Palance est fantastique ; ce comédien qui au théâtre, à ses débuts, fut la doublure de Marlon Brando, donne toute la mesure de son talent dans le rôle d’un acteur pris aux pièges de la célébrité et des studios.

200px_Ida_Lupino_in_The_Hard_Way_trailer_croppedSon épouse Marion est jouée avec talent par Ida Lupino, une actrice qui dans la vie réelle ne mâchait pas non plus ses mots sur les compromis qu’il fallait faire pour rester sous contrat, au prix de son propre respect.

235px_Shelley_Winters_in_Tennessee_Champ_trailerL’autre personnage féminin, la « blonde » de service, est interprétée par Shelley Winters et c’est réellement du beau travail ; lorsqu’elle explique – sous l’emprise de l’alcool – ce que les studios ont fait d’elle, on est pris à la gorge.

big_knife_palance_hagenDans le rôle assez court de l’infidèle Connie Bliss, dans lequel elle est parfaitement déplaisante, on retrouve l’actrice Jean Hagen. Son époux, personnage falot à la botte du directeur de studio, est joué par Paul Langton.

220px_Rod_Steiger_in_The_Unholy_Wife_trailerCelui qui est le personnage le plus infect de toute cette histoire, le producteur/directeur de studios, on retrouve Rod Steiger, teint en blond pour l’occasion. Il est ignoble, plus comédien qu’un acteur, parfois carrément larmoyant, jouant avec un plaisir sadique sur les bons sentiments des autres. Les siens par contre ne font aucun doute = il en veut pour son argent. Il hait l’épouse de Charles Castle autant qu’elle le hait ; les scènes de confrontation entre ces deux-là donnent le frisson.

200px_Wendell_Corey_in_The_Search_trailerCelui qui flanque aussi le frisson est Smiley Coy, interprété brillamment par Wendell Corey ; il est effrayant dans sa manière froide et calme d’exposer ce que l’on attend de Jack Palance, à savoir l’élimination pure et simple de la starlette.

185px_EverettSloaneIl faut encore noter les interprétations des trois amis du couple = le masseur Mickey joué par Nick Dennis, l’agent vieillissant Nat Danziger où l’acteur Everett Sloane se donne à fond et finalement, l’ami écrivain joué par Wesley Addy, que l’on retrouvera dans plusieurs films d’Aldrich. Dans la distribution, il y a encore l’actrice Ilke Chase, qui fait une brève apparition dans la journaliste de presse à sensation et qui n’hésite pas à menacer les acteurs qui refusent de  lui dire la vérité.

250px_Ilka_Chase_in_Now_Voyager_trailer

Lorsque Robert Aldrich a tourné cette histoire, Hollywood a cessé d’être un lieu où les idéalistes pouvaient écrire leurs histoires – le maccarthysme a envahi Hollywood et désormais il n’y a plus que la rentabilité (l’argent) qui compte aux yeux des studios. Il paraîtrait que le personnage de Stanley Hoff ait été directement copié sur Harry Cohn, un magnat des studios, totalement mégalo et tyrannique.

J’ignore comment était ce Cohn, mais s’il ressemblait un tant soit peu au personnage de Hoff, c’est réellement terrifiant !

Personnellement j’ai été un peu surprise de découvrir l’ajoute d’une histoire de meurtre dans cette histoire (celui de la starlette – il y avait déjà l’épée de damoclès sur la tête de l’acteur de toute façon) – le film n’avait pas vraiment besoin de cet effet supplémentaire pour être un vrai film noir dans toute l’expression de ce terme = tout va de mal en pis, pas d’issue possible.

Comme je l’ai dit, les décors sont simples = un peu de jardin des Castle, mais la plupart du temps tout se joue dans le salon de la maison, cela en soi crée déjà une sensation d’étouffement comme si la maison était devenue la prison de Charlie. Avec comme métaphore de ce qu’il est devenu = la peinture du clown au mur, dans lequel il se retrouve complètement à cause de l’air abattu et sans illusions du clown. L’acteur (et le public avec lui) ressent une véritable sensation de claustrophobie, le studio lui a apporté la gloire, mais désormais la seule chose qu’il a encore à lui offrir est la mort.

220px_CliffordodetsClifford Odets, l’auteur de la pièce, était un écrivain, dramaturge et homme de gauche qui fut dans le collimateur de la commission des activités anti-américaines au cours de la sinistre période du maccarthysme – il déclarera cependant ne jamais avoir été membre du parti communiste, mais avoir toujours eu de la sympathie pour la classe ouvrière. Il ne fut que très brièvement mis sur la tristement célèbre liste noire et pu poursuivre sa carrière de dramaturge. Il a inspiré le personnage principal du film des frères Coen « Barton Fink ».

En dehors de ce très célèbre « Big Knife », Odets est également l’auteur de « Country Girl », un drame avec William Holden, Grace Kelly et Bing Crosby.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 85 075
Archives
Derniers commentaires
Publicité