LE ROI & L'OISEAU, de Paul Grimault
Version de 1979
Scénario de Paul Grimault & Jacques Prévert d’après « La Bergère & le Ramoneur » d’Hans Christian Andersen
Dialogues de Jacques Prévert
Reprenant des images du film « La Bergère & le Ramoneur » de Paul Grimault, version 1953, avec chansons de Joseph Kosma et Jacques Prévert
Un oiseau, tel un Mr Loyal au cirque, nous conte une belle histoire – véridique puisqu’elle lui est arrivée.
A l’époque, il était jeune et vivait avec ses fils dans un nid (sa pauvre épouse avait succombé à un accident de chasse), tout là-haut sur le château de Takicardie, gouvernée par le roi Charles V + III = VIII + VIII = XVI (ou Charles Cinq et Trois font Huit et Huit font Seize).
Malgré son nom imposant, ce roi n’était pas très bon et pas aimé du tout, ce qui n’est pas grave puisque lui de toute façon n’aimait personne ! Sauf sa petite personne et son pays était tout comme son palais rempli de statues et de portraits le représentant ; même les arbres étaient taillés à son effigie.
C’était donc un roi solitaire, qui n’aimait que lui et la chasse, c’est dire si l’Oiseau et lui n’étaient pas amis non plus ! De plus il est très mauvais tireur et tricheur, entouré de courtisans qui l’acclament sans arrêt, forcément, ce roi est laid et colérique, il ne supporte pas la plaisanterie et déteste l’oiseau qui se moque de lui.
Ce roi vit dans une ville-château, où du bas jusqu’en haut sont situés les bureaux, les prisons, et plus on y monte dans ce château, plus il devient lumineux et coloré.
Et tout en haut, presque là où habite l’oiseau, se trouvent les appartements du roi. Ce roi a un secret, en plus (non non pas seulement son appartement secret, un vrai secret) = il est amoureux d’une ravissante bergère peinte sur le mur. Juste à côté d’un sympathique ramoneur. La nuit, ils se réveillent, se parlent et se déclarent leur amour, malgré le roi qui les guette et qui ne comprend pas qu’elle lui préfère ce va-nu-pieds. D’ailleurs, c’est bien connu = les bergères épousent les rois, pas les ramoneurs !
Comment pourrait-il comprendre ce qu’est l’amour, lui qui n’aime personne sauf lui et que seul son petit chien suit comme un toutou.
Alors, puisque le roi a décidé d’épouser la bergère au douzième coup de minuit, il ne reste plus aux amoureux que de fuir. Oui mais comment, dans une ville-château où tout le monde épie tout le monde et où tout est fermé à clé ? C’est là que l’on découvre qu’avoir un oiseau parmi ses amis, cela peut aider.
Bien que considéré comme un film d’animation pour enfants, ce conte merveilleux, mis en scène de manière véritablement magique, il est réellement conçu pour tous les publics.
Le sujet ne manque pas de noirceur, comme tous les contes d’Andersen d’ailleurs, qui décrivait la vie des plus démunis telle qu’elle était réellement – Paul Grimault l’a parfaitement compris et a conservé l’ambiance d’Andersen.
Sa collaboration avec Jacques Prévert peut aussi se définir de « magique », car ce dessinateur merveilleux allié à l’un des plus grands poètes de l’histoire de la poésie, ne pouvait donner qu’un résultat touchant au chef d’œuvre ; il est librement inspiré du conte d’Andersen, mais en conserve l’essence. Et « noirceur » ou pas, il est absolument à faire découvrir aux jeunes (et aux autres).
On y plonge dans un monde où le merveilleux le dispute à l’angoisse, mais n’est ce pas là tout le propos de tous les contes populaires ?
Le film a été restauré, les couleurs d’origine ont donc été restaurées et c’est une explosion de beauté du dessin et des couleurs.
C’est une formidable réussite dans les films d’animation, malheureusement pas assez connu et c’est réellement fort dommage.
Car il y a dans ce film-ci une dimension que d’autres n’ont pas ; il véhicule un très beau message, exprimé dans un texte gentiment irrévérencieux, critique à l’égard de tous les pouvoirs totalitaires.
A côté de cela il y a la jolie et tendre romance de deux jeunes gens pauvres qui espèrent échapper à la méchanceté.
La version de 1953 comportait les voix de Serge Reggiani, Anouk Aimée, et Pierre Brasseur pour les voix ; ce film-là fut « massacré » pour des raisons de conflit entre producteur et l’équipe de la réalisation ; finalement, c’est en 1979 que l’histoire complète verra le jour, avec d’autres voix mais avec la récupération de certaines scènes.
L’histoire n’est pas que la romance entre deux jeunes gens persécutés pour leur amour, il est une allégorie contre la dictature ; les allusions au nazisme y sont évidentes, celles au communisme de Staline un peu moins, mais les experts estiment qu’elles sont bien là. Ce qui est certain, c’est que les thèmes de préférence de Jacques Prévert s’y retrouvent totalement, à savoir l’amour de la liberté, et l’amour tout court.
Parmi les personnages importants, en dehors du roi, de la bergère, du ramoneur et de l’oiseau, il y a l’aveugle, un musicien des rues qui a toujours dit aux habitants de la ville d’en-bas qu’un monde meilleur et plus beau existait.
L’oiseau, qui est papa, a parmi ses quatre oisillons, un petit aventurier aussi coloré que son papa et qui parvient à toujours se faire piéger par le roi.
Le petit chien du roi va devenir leur ami et jouer des tours au vilain chef de la police, grossier et obséquieux.
Le roi qui a un ego surdimensionné et le culte de sa personnalité a la voix de Pascal Mazzotti. Le maire du palais a la voix de Claude Pieplu et c’est Raymond Bussières qui prête la sienne au chef de la police. On trouve encore dans la distribution Hubert Deschamps et Roger Blin qui joue l’aveugle.
L’oiseau a la voix de Jean Martin, Agnès Viala est la bergère et Renaud Marx, le ramoneur.
La référence au film de Lang « Metropolis » est évidente avec la ville haute, belle et claire pour les riches, et la ville basse où se morfondent les pauvres gens privés de lumière. Lorsque le ramoneur se retrouve à la « peinture à la chaîne », on pense un peu à Charlie Chaplin et ses « Temps Modernes » où tout se déglingue.
Malheureusement pour Jacques Prévert, il ne verra pas la sortie de cette nouvelle version, puisqu’il meurt en 1977.
Le film est aussi une preuve de la collaboration entre les techniciens de l’animation – on trouve d’ailleurs parmi les dessinateurs Philippe Leclerc ; l’équipe réunie pour « Le Roi & l’Oiseau » a permis de se distinguer des modèles américains, comme les Studios Disney.