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mon bonheur est dans la ville
27 novembre 2009

THERE'S ALWAYS TOMORROW, de Douglas Sirk

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Adapté pour l’écran par Bernard C. Schoenfeld, d’après un roman d’Ursula Parrott

Clifford Groves est le propriétaire d’une petite société de jouets, florissante, en Californie ; pour l’instant, le ciel de Californie est souvent gris et la pluie tombe nettement plus souvent que ce que l’on montre dans les prospectus. Cette grisaille semble déteindre sur Cliff qui commence à trouver sa vie un peu « plan-plan ».

10433__phot_89Cette sensation va soudain s’aggraver et culminer dans une véritable crise de la cinquantaine lorsqu’en rentrant chez lui, plein d’espoir à l’idée de passer une soirée en tête à tête avec son épouse à l’occasion de son anniversaire ; hélas cet espoir va vite faire long feu lorsque Marion lui fait comprendre qu’elle ne peut laisser tomber leur cadette, apprentie ballerine, qui va se produire sur scène ce soir-là. Comme le brave homme a aussi des tickets pour le théâtre, il espère que son épouse changera d’avis, mais Marion est une mère exemplaire, ses enfants avant tout. Son autre fille, plus âgée, préfère aller chez une copine pour discuter garçons (sujet plus passionnant) et son fils aîné a prévu une soirée en boîte avec sa fiancée et des copains.

Déçu et amer, Clifford Groves se prépare à passer une soirée solitaire, lorsqu’on sonne à la porte = surprise ! se trouve devant lui, Norma Miller (devenue Norma Vale) son ancienne assistante, partie vingt ans auparavant sans explication. Norma Vale s’est fait un nom important en tant que créatrice de mode et elle est en Californie afin d’ouvrir une succursale de sa boutique new-yorkaise. Du coup, les voilà papotant comme deux vieux copains et Clifford lui propose d’aller au théâtre avec lui.

Après cela, ils vont boire un verre et se séparent bien décidés à se revoir, malgré les rendez-vous d’affaires respectifs. Norma doit se rendre à Palm Valley et suggère à Cliff d’offrir un week end loin de tout à son épouse qu’elle aimerait rencontrer. Aussitôt dit aussitôt fait, il en profitera pour rencontre un homme d’affaires à propos de son nouveau jouet, un petit robot rigolo. Seulement voilà, c’est ce week end là que choisit la future « pavlova » pour se fouler la cheville et du coup, pas de week end en amoureux.

10433__babsalwayCliff part donc à Palm Valley tout seul, à la rencontre de son client, qui annule à la dernière minute et au lieu de repartir, décide de rester. Tout comme Norma a décidé de prolonger sa semaine sur place. Le hasard va faire que le fils Groves, Vincent, accompagné de sa fiancé et un couple de copains arrive aussi à Palm Valley. Il y voit son père en compagnie de Norma et sans même réfléchir est convaincu en voyant leur complicité qu’ils sont amants.

Lorsque Norma est invitée chez les Groves, les deux aînés se comportent avec la dernière des grossièretés à son égard, ce dont elle se fiche complètement, mais surtout à l’égard de leur père. A tel point, qu’Ann rompt ses fiançailles avec Vince qu’elle accuse de manque de maturité.

C’est Norma qui remettra tout ce petit monde à sa place, un jour où elle a rendez-vous avec Clifford et ce sont ses deux aînés qui apparaissent pour l’accuser. Elle ne va pas mâcher ses mots quant à leur égoïsme et leur manque d’intelligence car il n’y a jamais rien eu d’autre entre leur père et elle qu’une sincère amitié. Seulement Cliff, face à cette bouffée d’air frais dans sa vie, a d’autres projets pour eux deux.

On peut apprécier un metteur en scène et des acteurs talentueux et pourtant ne pas vraiment aimer un film. Je pense que cela m’est arrivé avec ce film car le « happy end » final est tellement conformiste que cela m’a été désagréable. Comme je sais que Douglas Sirk – maître du mélodrame américain – voulait justement dénoncer et fustiger ce conformisme petit-bourgeois, je me dis qu’il a atteint son but.

Je ne comprends d’ailleurs pas du tout pourquoi ce film a été sous la loupe du code Hays, code de censure rigide, qui disait que ce film véhiculait « une image négative du mariage et était une incitation à l’adultère » !

C’est à se demander si les censeurs ont compris le film car personnellement j’ai trouvé qu’il s’agissait au contraire d’une apologie de la fidélité et du mariage en quelque sorte puisque la grande « perdante » de l’histoire est la femme qui a parfaitement réussi socialement et professionnellement parlant, mais qui a raté sa vie personnelle. C’est d’un conventionnel tout ça ! Je ne vois réellement pas où est l’incitation à l’adultère là-dedans puisque c’est la (soi-disant) « femme fatale » qui renvoie l’homme dans son foyer lui montrant ce qu’il perdrait en partant avec elle. Quand je le disais que c’était d’un conformisme absolu …

Celle qui est la plus sympathique dans cette histoire de « crise de la cinquantaine » d’un mari et père qui ne sait plus trop où il en est, est celle justement à qui on reproche que le malheur « arrive » (ou risque d’arriver) ; elle est interprétée avec beaucoup de sensibilité par Barbara Stanwyck dont ce sera l’un des derniers grands rôles au cinéma, Hollywood n’ayant pas beaucoup de rôles pour vedettes vieillissantes. Et quand on dit « vieillissantes »  on aimerait bien lui ressembler ! Elle se tournera alors vers la télévision où elle sera magistrale (une fois de plus) dans « The Thorn Birds ».

Stanwyck retrouve, à l’occasion du film de Douglas Sirk, celui qui lui donnait la réplique 12 ans auparavant dans le chef d’œuvre du film noir qu’était « Double Indemnity » mis en scène par Billy Wilder. Il s’agit de Fred MacMurray, un acteur qui tournait généralement dans des comédies légères et des films musicaux où il était toujours le type sympa. Mais l’acteur préférait, et on le comprend, des rôles de composition comme où il était bien autre chose qu’un brave type ; il adorait jouait les cyniques en fait.

Plus tard on le retrouvera dans rôles de « brave type de père », un peu comme ici dans « There’s always tomorrow », du moins en apparence car dans ce père au bout du rouleau, qui trouve qu’il mène une vie de robot « boulot-auto-dodo »

La mère et épouse parfaite – à qui j’ai eu envie de donner une paire de claques tout au long de la vision du film – est jouée par Joan Bennett, une actrice qui terminera aussi sa carrière dans les rôles de mère de famille alors qu’en début de carrière, elle était typée comme « femme fatale de films noirs » et était nettement plus intéressante dans ce type de rôle qua dans celui d’épouse et mère (parfaite), compréhensive vis-à-vis de son époux mais faisant sans cesse passer ses enfants avant lui. (Personnellement, je l’aurais plaquée dès le début de l’histoire, mais alors il n’y aurait pas eu de film ! Faut entendre la condescendance avec laquelle est plaint cette « pauvre » Norma qui a si bien réussi mais est si seule !). Cette idiote n’est même pas capable d’accepter un cadeau, sous la forme d’une robe d’un modèle exclusif, qui lui va parfaitement, sous prétexte que c’est trop « jeune pour elle ».

Les enfants sont de vrais têtes à claques aussi ; il n’y en a pas un des trois pour rattraper les autres = Vinnie, le fils aîné, qui croit nécessaire de défendre l’honneur de son père et de sa mère, qui écoute les ragots d’un copain au point d’être persuadé que son père trompe sa mère est joué par William Reynolds.

Ellen, sa sœur toujours pendue au téléphone, est jouée par Gigi Perreau et il y a encore la petite dernière, une insupportable gamine-actrice qui manque déjà autant de naturel que celle qui interprète sa sœur aînée.

Elle est jouée par Judy Nugent, dont je n’avais jamais entendu parler et que je suis ravie de ne plus avoir vu jouer. Je ne supporte déjà pas très bien les enfants-acteurs mais celle-là et sa sœur, c’est grave.

Par contre, j’ai beaucoup apprécié Pat Crowley qui interprète Ann, la fiancée de Vincent et qui ne se laisse pas tromper par les apparences, qui lui conseille la modération et qui éprouve énormément de sympathie pour Norma Vale/Stanwyck, sans nécessairement la voir comme un briseuse de ménage ou une femme ayant raté sa vie. Cette actrice est parfaite de naturel et de gentillesse, un petit vent de fraîcheur sur cette histoire où les enfants sont d’un égoïsme forcené.

Ce qui est d’ailleurs un des multiples thèmes récurrents de Douglas Sirk = les enfants qui jugent leurs parents et les empêchent de vivre leur vie. On retrouve ce même sujet dans « All that Heavens allow », où une veuve encore jeune se voit refuser des moments de bonheur à cause de sa sotte de fille et son fils qui s’imagine qu’elle est incapable de gérer son existence !

vign_jaquette_10433_theresalwaystomorrowinsOn retrouve  dans « There’s always tomorrow » le sujet du milieu familial petit-bourgeois, si typiquement « middle-class » américaine, milieu finalement fort étriqué malgré la réussite du père. Cette cellule familiale aux liens soi-disant si serrés ferait étouffer n’importe qui.

Le film n’eut que peu de succès à sa sortie, paraît-il, car il a été tourné après toute une série de films couleurs et le noir&blanc, qui lui donne un petit air « docu-fiction » comme dans « All I desire » n’a pas plu au public. Comme il s’agit du public américain, cela ne me surprend réellement pas ; à mon avis, ledit public a dû se sentir fortement visé par cette « famille type de l’American Way of Life » des années 50.

Autre sujet classique chez Sirk = l’envie de se retrouver quelques années en arrière, lorsque tout semblait encore possible et accessible, loin du présent difficile.

vign_jaquette_10433_1ih0ar6q79t980cu3j71t01e09w66eb3qLes critiques cinématographiques ont souvent qualifié les films de Douglas Sirk comme des « chick flik », des histoires de femmes pour femmes. C‘est probable pour la grande part d’entre eux où il racontait généralement l’histoire d’une femme (ou de plusieurs femmes) ; en tout cas, ici c’est un homme qui est le pivot d’une histoire douce-amère. On aurait tort de n’y voir qu’un mélo car la critique sarcastique de la middle class américaine n’est vraiment pas loin.

Cela commence d’ailleurs dès les premières images où le narrateur parle de la « belle Californie où il fait toujours soleil » et où tombent des cordes, faisant bien comprendre que ce qui va suivre ne sera pas exactement une histoire drôle, où l’image de la famille bourgeoise américaine est dépeinte d’une manière réellement pessimiste.

Et ce n’est pas le faux happy end qui me donnera tort : Marion a ignoré son mari pendant des années, s’occupant uniquement des enfants, cédant à leurs caprices, en ignorant le besoin d’attention de son mari et pourtant, après avoir vu s’envoler l’avion de New York emportant probablement Norma et sa chance d’avoir une autre vie, il dit à sa coincée d’épouse « qu’elle le connaît mieux qu’il ne se connaît lui-même ! » - on croit rêver et j’imagine que cette fin a été exigée par le code Hays. En tout cas je l’espère, sinon c’est vraiment un film TRES pessimiste.

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Commentaires
S
ton commentaire me fait bien plaisir, car parfois je me dis que je manque un peu de "conventions" (aussi appelées "bonnes manières") LOL
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M
MDR ! Tu m'as bien fait rire, mais rien qu'en lisant ton billet, je me disais aussi que j'avais envie de mettre des claques à cette bonne femme !!!
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