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mon bonheur est dans la ville
28 août 2009

UN SECRET, de Claude Miller

14560_thumbLe petit François Grimbert (avec « m » et « t »), 10 ans, sent bien que son papa ne l’aime pas vraiment ; il n’est pas du tout sportif, malgré d’excellentes notes – prix d’excellence – à l’école. Mais non, pour son père, il est une déception parce qu’il n’est pas du tout bon en sport. Sa maman tente tant bien que mal de conserver une certaine harmonie entre les deux hommes de sa vie.

François va même aller jusqu’à s’inventer un frère, plus âgé, plus fort et surtout, meilleur aux barres parallèles, aux anneaux et en natation.

Il ne croit pas si bien dire le petit François…

Ne comprenant pas bien ce qui se passe au sein de son foyer, il imagine ce qu’était la vie de ses parents avant sa naissance, comment il fut conçu dans la joie, le bonheur de la fin de la guerre.

Pourquoi ne peut-il toucher à cette vieille valise au grenier ? A qui appartient ce vieux jouet poussiéreux ?

Mais surtout, que lui reproche son père ?

A l’adolescence, après avoir visionné en classe un documentaire sur l’Holocauste, sur les horreurs du nazisme, il se bat avec une rage sans précédent avec un compagnon de classe se moquant de la situation.

C’est là que Louise, l’amie fidèle de ses parents, la kinésithérapeute/infirmière/confidente, va lui raconter l’histoire de sa famille et surtout le lourd secret qui mine son père, qui s’appelait Maxime Grinberg avant la guerre.

Tout cela avait commencé bien longtemps, avant la guerre, au moment du mariage de son père et d’Hannah. L’histoire de son père qui refuse obstinément d’assumer le fait qu’il soit juif. Qui considère qu’il est français, qu’être juif c’est religieux et lui il est laïque, et de gauche de surcroît. Tout cela au grand déplaisir des parents d’Hannah, à la tristesse de son père. C’est pour Hannah et sa famille qu’il a accepté le mariage religieux.

Et c’est à ce mariage qu’il rencontre son futur beau-frère et sa superbe épouse Tania, ancien mannequin chez Molyneux, championne de natation … qui n’est autre que la maman de François.

L’attrait vers Tania est irrésistible et pourtant il restera fidèle à sa toute jeune épouse, en se sentant coupable d’être attiré physiquement par une autre femme.

Peu à peu vont défiler devant le jeune garçon les événements dramatiques de sa famille, prise dans le tourment des rafles, de la guerre, des déportations, de l’étoile que l’on porte fièrement ou par obligation et qui conduisit tant de Juifs vers la mort.

Comme tant de leurs amis, les familles Grinberg et Stirn seront à tout jamais marquées par la guerre. Car Hannah n’est jamais arrivée en zone libre, ni son petit garçon, ce fils-là dont son père était si fier.

Après les révélations de Louise, François pourra enfin évoluer et devenir un thérapeute ouvert aux problèmes des jeunes qu’il soigne avec tendresse et compréhension.

Comment un enfant pourrait-il se construire sinon, si ce n’est en connaissant la vérité ?

Que dire d’un film dont on parle tellement que l’on a l’impression que tout en a été dit ?

Avant toute chose qu’il est un superbe travail d’acteurs. Tous les comédiens sans exception sont à la hauteur, rôles secondaires comme rôles principaux. Patrick Bruel en Maxime Grimbert, un homme aimant deux femmes, traînant un sentiment de culpabilité comme un boulet tout au long de son existence au point de n’en pas pouvoir supporter son deuxième enfant est très bien ; le maquillage le faisant passer de 30 à 70 ans est au point, sans exagération.

Bonne interprétation également des enfants interprétant ses  fils (Simon, le premier, le préféré par Orlando Nicoletti et ensuite les deux garçons qui sont François respectivement à 7 et à 15 ans, à savoir le petit Valentin Vigout, excellent, et Quentin Dubuis).

François, adulte, est interprété avec sensibilité par Mathieu Amalric.

Cependant, ce sont les personnages féminins que j’ai préféré : Cécile de France, en Tania, jolie belle-sœur luttant contre l’attraction de suscitée par Maxime, aimant à la fois tendrement son petit garçon délicat et son époux, trop dur avec l’enfant, est parfaite. Elle est superbe physiquement et moralement.

Face à elle, en Hannah celle qui va volontairement se jeter dans la gueule du loup avec son enfant, on trouve Ludivine Sagnier tout d’abord douce et charmante, ensuite rattrappée par le démon de la jalousie, jusqu’à une décision qui changera à jamais le destin de ceux qu’elle aime.

Car il ne fait aucun doute que c’est la jalouisie d’Hannah qui la poussera délibérément à prendre cette décision de se « sacrifier » entraînant avec elle – comme Médée face à la trahison de Jason – la mort de son fils. Cette « trahison » n’existait pourtant que dans son esprit, car Tania rejettait Maxime, c’est lui qui n’arrivait pas à cacher l’attirance sexuelle provoquée par la superbe jeune femme.

Sans oublier évidemment, Louise, l’amie fidèle, interprétée avec émotion et humour par la talentueuse Julie Depardieu.

La reconstitution historique est fort bien faite également ; les costumes retracent les époques traversées par les personnages de 1936 aux années 80.

J’ai aimé aussi la manière de filmer en noir et blanc la vie de François à 37 ans, et le passé en couleurs. Généralement c’est le contraire qui se produit, les flash-backs étant souvent filmés en N&Bl, et le contemporain en couleurs. De plus le passage de l’un à l’autre ne gène nullement, je dirais même « au contraire ».

Quelques images d’archives rappellent une page tristement célèbre de notre histoire.

Tout comme les personnages se font happer par l’Histoire, dans toute son atrocité, le spectateur est happé par l’histoire de cette famille dont on ne comprend pas vraiment pourquoi elle a mis tant d’efforts à cacher la vérité à un petit garçon qui ne demandait qu’à être aimé.

J’ai en tout cas apprécié le fait que le réalisateur Claude Miller n’en ai pas fait des tonnes, pour montrer les horreurs nazies ; les touches subtiles, les allusions portent bien plus fort que toutes les images qu’il aurait pu ajouter à son film.

Bref, "Un Secret" est un film que je recommande vivement à tous, c'est un film sensible, émouvant mais pas dans l'exagération, ce qui est formidable car le piège était grand de sombrer dans la pathos.

Comment se remet-on de l’Holocauste ? Probablement jamais, si j’en juge par le traumatisme de la mère de mon époux,  une femme généreuse qui vit tous ses amis emmenés dans une rafle, et qui sera cachée pendant la guerre, échappant ainsi à l’horreur. Bien que laïque, le sentiment d’être juive était fort ancré en elle, et elle voyait partout des signes évidents d’antisémitisme. Je ne comprenais pas vraiment cette paranoïa au début de nos relations, mais avec le temps j’ai réalisé et je me suis mise à me sentir gênée de n’être pas née juive car j’aurais immédiatement, j’en suis sûre, éprouvé plus d’empathie pour cette frêle vieille dame au cœur immense.

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