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mon bonheur est dans la ville
25 juillet 2009

LA VERITE, d'Henri-Georges Clouzot

18822762_w434_h_q80Dominique Marceau est jugée pour le meurtre de Gilles Tellier, aspirant chef d’orchestre promu à un brillant avenir et fiancé à sa sœur Annie.

La sage Annie, la brave Annie, celle qui a toujours tout fait comme on le lui demandait, est une future violoniste, l’enfant préférée des parents, qui n’ont jamais caché cette préférence à Dominique, ravissante, frivole, pas du tout  la tête aux études, préférant « flâner » et vivre sa vie.

Dominique, toujours considérée comme une bonne à rien, mal aimée, et dont même le physique avantageux est critiqué, tout comme sa manière de se mouvoir et de s’habiller.

L’avocat de Dominique tout comme celui de la mère de Gilles Tellier se renvoient les arguments, les tournant habilement à l’avantage de leurs clientes respectives. Pour Maître Eparvier, avocat de la mère, Dominique n’a jamais été qu’une intrigante, une roulure, opinion qui est partagée d’ailleurs par le président des assises et probablement par toute l’assistance, car la presse n’a pas épargné la jolie femme.

Même la sage Annie viendra témoigner contre elle, lui crachant toute la haine qu’elle éprouve.

Et pourtant, comment ne pas croire Dominique lorsqu’elle dit que Gilles et elle se sont aimés, mais pas en même temps.

Les amis de Dominique reconnaissent son côté volage, mais aussi à quel point elle s’était finalement attachée à Gilles, même si au départ il n’était qu’un passe-temps, dont la passion et le désir l’amusaient.

Lorsque Gilles arrive enfin à ses fins, c’est-à-dire coucher avec elle, il va devenir encore plus jaloux et possessif. Jamais il ne la présentera à sa famille, il la garde pour lui dans sa chambre. Et comme Dominique, même amoureuse, n’a jamais supporté être enfermée, le drame ne peut qu’éclater. Drame qui sera à son comble lorsqu’elle aura trouvé un emploi dans une boîte de nuit. Le caractère possessif de Gilles ne peut s’accorder avec un travail où le charme de sa maîtresse opère.

A chaque fois que je revois un film réalisé par Henri-Georges Clouzot, je suis fascinée par sa façon de travailler. Réalisateur exigeant, il a tiré le meilleur de tous les acteurs qui ont travaillé pour lui : Ginette Leclerc, Pierre Fresnay, Pierre Larquey, Jean Tissier, Vera Clouzot, Simone Signoret et tant d’autres.

Ici c’est Brigitte Bardot qui lui doit la meilleure prestation de toute sa carrière d’actrice. On a reproché à Bardot les rôles qu’on lui proposait, dans lesquels on lui demandait surtout d’être belle, ce qu’elle était indéniablement.

Dans « La Vérité », que, en tant que Dominique Marceau, elle essaie de faire comprendre à tous ceux qui sont ligués contre elle, Brigitte Bardot crève véritablement l’écran.

Elle est tour à tour exaspérante, émouvante, en jeune femme prisonnière de ses propres démons, mal aimée par sa famille si représentative de la société des années 50/60.

Brigitte Bardot a pu prouver, grâce au film, qu’elle avait un réel talent de tragédienne, mais c’est surtout dans les scènes du tribunal que ce talent éclate.

Son plaidoyer pour faire entendre sa version des faits, systématiquement démolie, est terriblement poignant.

Face à elle, Sami Frey est tout aussi époustouflant, même si très sincèrement je trouve son personnage profondément antipathique. Ce type rongé par la jalousie, fou de désir et possessif, qui n’a finalement aucun respect pour une femme qu’il dit aimé, qui finalement retourne à la sœur sage et raisonnable, tellement plus en accord avec son éducation de petit-bourgeois avide de réussir, n’a strictement rien pour me plaire du tout.

Mais l’acteur y est formidable.

La sage Annie est jouée par Marie-José Nat, avec tout le talent qu’on lui connaît ; cette sœur, si raisonnable, pèse lourd dans la vie de la frivole Dominique. C’est une époque où les parents passaient leur temps à mettre en valeur « l’enfant sage » vs. « l’enfant difficile », un poids terrible sur les épaules de celui qui n’est pas « l’enfant sage ».

Quant au portrait d’Annie, c’est quand même un peu effrayant une telle attitude de sainteté.

En dehors de ce triangle – où je constate une fois de plus que la blonde est la salope et la brune la brave fille (c’est quoi ce fantasme masculin ?) – il faut évidemment cité le duo d’avocats, un très grand numéro d’acteurs ici aussi.

Paul Meurice est maître Eparvier, l’avocat de la famille Tellier, qui évidemment montre en exemple cette mère malheureuse dont la vie est brisée à cause d’une fille sans cœur et sans moralité.

Avec de grands effets de manche et le talent d’acteur qu’on lui connaît, Meurice est totalement à l’aise dans le rôle. Et ses arguments souvent odieux sont distillés avec une froideur que seul cet acteur parvenait à exprimer avec ce petit sourire déplaisant dont il avait le secret. C’est d’ailleurs lui qui interprétait l’odieux mari dans « Les Diaboliques » du même Clouzot, un terme qui lui va à ravir à lui.

Charles Vanel – un autre acteur présent dans « Les Diaboliques » - est l’avocat de la défense ; il a pour sa cliente une certaine pitié, tentant par tous les moyens possibles de produire des arguments afin de lui épargner la peine capitale car tout le monde s’acharne à prouver que Dominique avait prémédité l’assassinat de Gilles, et non qu’elle avait acheté une arme dans le but de se suicider.

Le président des assises, digne représentant de cette société si bien pensante et tellement peu encline à l’empathie, est joué avec brio par Louis Seigner. Je dois dire que j’ai été surprise que le réalisateur et ses scénaristes lui mettent dans la bouche les propos qu’il tient dans le film – en principe, si mes souvenirs sont bons, un président d’assises est supposé être neutre et se contenter de donner la parole à la défense et à l’accusation. Ici il prend carrément parti, influençant d’ailleurs le reste du tribunal.

J’espère que ce n’est pas le cas dans la vie réelle car où alors se trouve l’objectivité ?

Je citerai encore dans la distribution les copains de Dominique interprétés par André Oumansky, Jacques Perrin, Jean-Loup Raynold, Barbara Sommer.

Jackie Sardou se retrouve dans un rôle de concierge où son habituelle gouaille fait merveille.

18822767_w434_h_q80Le réalisateur H.G. Clouzot a toujours dit avoir eu l’idée de « La Vérité » en assistant à divers procès d’assises, où l’accusé parle de « sa » vérité, mais il a face à lui des arguments bien étudiés. Quel théâtre d’ailleurs que les procès, on a l’impression que la presse, les avocats, y sont pour se donner en spectacle au nom d’une justice bien voilée très souvent. D'ailleurs, il y a dans le prétoire des personnes qui viennent là, uniquement en spectateurs comme s'ils allaient au théâtre.

On dit que Clouzot était très dur avec ses acteurs, mais quel  résultat il en obtient !

« La Vérité » est un film construit en flash-backs, d’entrée on connaît les faits, petit à petit se dévoile l’intrigue qui mena au crime.

La photographie noir et blanc est absolument superbe, tout se joue en ombres et lumières.

On a beaucoup dit que « La Vérité » préfigurait Mai 68, car les arguments des jeunes étudiants, copains de Dominique, trouveront leurs échos dans la révolution éstudiantine dix années plus tard.

Le contraste « moralité/mœurs légères » est constamment mis en exergue, ce constrate même qui mènera à la révolte justifiée de la jeune génération qui ne supportait plus les carcans dans lesquels on la muselait.

« Michel » le personnage penseur aux arguments souvent très drôles en est le représentant, et lorsqu’on entend l’ironie avec laquelle il est traité, on dit que c’était réellement inévitable que tout cela explose un jour.

Henri-Georges Clouzot, par ce film, n’était pas qu’un grand metteur en scène, c’était un visionnaire également.

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