GIRL WITH THE PEARL EARRING, de Peter Webber
Après avoir lu le livre (dont je ne fus pas enthousiasmée, il faut bien le reconnaître, malgré les critiques dythirambiques qu'il rencontra), j'avais forcément envie de voir ce que donnait l'adaptation cinématographique des aventures de la jeune Griet, forcée par la ruine de sa famille d'entrer au service de la famille Vermeer.
La ravissante et talentueuse Scarlett Johansson EST Griet, c'est incontestable; elle en a la mélancole et la force intérieure. A l'époque du tournage, elle avait également l'âge du rôle, à savoir 17 ans, elle a donc aussi tout le charme et la grâce de l'adolescence; de plus les origines danoises de la jeune fille en font une Hollandaise très crédible.
Toutes les actrices sont d'ailleurs crédibles dans le film, je dirais même qu'il s'agit d'un "film de femmes", non pas "pour" les femmes, mais où ce sont elles qui en font l'essence. Judy Parfitt, dans le rôle de Maria Thins, belle-mère du peintre, forte, rigide, stricte et embarrassée à la fois de devoir sans cesse protéger sa fille, tout en courant le mécène afin que l'argent rentre dans le ménage, qui en est à 7 enfants lorsque l'histoire commence !
En Catherine, l'épouse Vermeer, Essie Davis excelle dans le rôle de cette femme, quasiment toujours enceinte, qui ne s'intéressa toute sa vie qu'aux toilettes, bijoux et position sociale. Qui souffre - mais pas du tout en silence - de la précarité de leur situation matérielle. Elle est tour à tour mesquine, jalouse ou profondément malheureuse, ce qui la rendra vindicative.
Joanna Scanlan est Tanneke, l'autre servante du ménage, qui jalousera aussi Griet lorsque celle-ci sera passée au rang d' "assistante du maître" tout en poursuivant ses tâches ménagères.
La plus méchante de toutes à l'encontre de Griet est, comme dans le livre, la fille aînée du peintre, la jeune Cornelia interprétée avec une réalité peu commune par la jeune Alakina Mann - je n'aimerais pas être jalousée par cette jeune fille ! C'est elle d'ailleurs qui tentera de perdre Griet aux yeux de tous, y compris de Vermeer.
Je n'ai pas été, par contre, entièrement convaincue par le choix de Colin Firth dans le rôle de ce peintre, obsédé par la peinture, dégoûté à chaque fois qu'il est obligé de peindre un tableau pour nourrir sa famille. Firth donne un peu l'impression de se demander ce qu'il est venu faire là, mais son côté beau ténébreux convient parfaitement au peintre si préoccupé d'art et si peu de famille.
Tom Wilkinson, l'excellent comédient britannique, n'a pas non plus l'air totalement à l'aise en costume du 17ème siècle; il est cependant assez convaincant en Van Ruijven, mécène truculent, peu concerné par l'art finalement, pour qui posséder un tableau du "célèbre" Vermeer est plus important que le talent de celui qui l'a peint. Ses caprises risquent de mettre les Vermeer aux abois et il lorgne du côté de la jeune servante avec le même appétit qu'il réserve aux vivres sur sa table, là le talent de Wilkinson ne se retrouve totalement.
Dans le rôle du jeune boucher amoureux de Griet, c'est Cillian Murphy qui s'y colle; c'est lui que l'on a retrouvé récemment dans le très beau film "The Wind that shakes the barley".
Une mention particulière doit toutefois être donnée aux décors et costumes; ils semblent sortir tout droit des tableaux de Vermeer en personne. Je ne sais où le tournage a été effectué, mais l'on croirait vraiment se trouver dans la Delft du 17ème siècle. Lorsque les personnages se promènent le long d'un canal, le film prend des couleurs sepia, comme dans un tableau de Rembrandt.
Les costumes sont superbes, la scène du banquet offert lors de la naissance du 8ème enfant des Vermeer est absolument somptueuse, comme dans le tableau de Jordaens "Le Roi boit".
Les scènes à l'intérieur de la maison sont de très beaux moment de clair-obscur. Par instant, j'ai eu l'impression que le film est un petit résumé d'une histoire de la peinture.
Contrairement au livre qui aborde toutes les ambiances possibles et imaginables (marché, maisonnée, familles, idylle avec le jeune Pieter), le film se focalise sur la relation entre le peintre et la jeune servante, ainsi que la haine qu'elle finira par susciter chez l'épouse du peintre, sans oublier la convoitise du mécène.
Pour ce qui est de la vérité historique de ce biopic, l'histoire du tableau "Jeune Fille à la Perle" de Johannes Vermeer est issue uniquement de l'imagination de l'auteure Tracy Chevalier.
Ce qui est cependant exact, c'est le fait que la belle-mère de l'artiste était relativement avare et le poussait à travailler tant et plus pour le mécène Van Ruijven, menant le ménage d'une poigne de fer afin de pouvoir nouer les deux bouts. Ce qui est également exact est le temps que Vermeer passait à peindre un tableau; l'artiste était un perfectionniste à l'extrême et détestait réellement avoir à peindre pour de l'argent. Pour un gars qui n'arrêtait pas de faire des enfants à sa femme, on peut se poser des questions sur son sens des responsabilités. Mais n'oublions pas : "tout créateur est un destructeur".
Ce qui n'est, par contre, ni montré dans le livre, ni le film, c'est l'autre passion dévorante de Vermeer, celle du jeu, à tel point que cela le ruina.