CHERI, de Stephen Frears
D’après le roman de Sidonie-Gabrielle Colette
Scénario de Christopher Hampton
Léa de Lonval, anciennement Léonie Vallon, a été l’une des courtisanes les plus recherchées de Paris. Elle se permet à présent quelques caprices et passe souvent ses après-midis chez son ex-rivale dans le monde des cocottes, Charlotte Peloux. Dire que les deux femmes sont de grandes amies serait fort exagéré. D’autant plus qu’elles se partagent le cœur de Fred Peloux, alias « Chéri ».
Fred Peloux a été élevé dans le monde un peu glauque que fréquentaient sa mère et est aussi paresseux que blasé.
Jusqu’à ce que « Nounoune », alias Léa, le prenne en main. Leur liaison durera six ans, jusqu’à ce que la mère Peloux décide qu’il est temps que Fred se marie.
Avec une certaine Marie-Laure, cocotte elle aussi, elles arrangent un mariage entre la timide Edmée et le beau Fred, qui ne sait comment l’annoncer à Léa.
Celle-ci cache son désarroi et se réfugie à Biarritz, où elle séduit un autre joli garçon, mais ne peut oublier « Chéri », qu’elle traita comme un joli jouet, jusqu’à ce qu’il lui échappe.
Pourtant « Chéri » ne l’a pas oubliée et malgré une dernière retrouvaille, Léa comprend que son rêve va – doit – finir.
Le réalisateur Stephen Frears a réuni sa « fine équipe », celle des « Dangerous Liaisons » et du très surfait « The Queen », pour nous apporter une nouvelle adaptation d’un classique de la littérature française, à savoir « Chéri », auquel ils ont joint les dernières lignes de « La Fin de Chéri », qui sorties de leur contexte ne sont pas vraiment appropriées, mais soit !
En dehors de cette erreur – qui est presque une faute - l’adaptation est parfaitement fidèle au roman de Colette, l’acidité des propos entre Chéri et Léa en moins. Ils les font un peu plus gentils, moins cruels.
Il y a bien des difficultés à faire passer la gracieuse et talentueuse Michelle Pfeiffer pour une dame de près de 50 ans, ce qui est l’âge de Léa dans les romans ; elle a tant de charme et de beauté, qu’elle en paraît à peine 40 (et encore !) même dans des robes d’époque.
Sa ligne de liane ne correspond que peu à celle de la Léa du roman, qui s’arrondit comme beaucoup de femmes abordant la cinquantaine.
Mais comme je l’ai dit, elle est aussi gracieuse et belle que talentueuse ; elle est une Léa tout en sensiblité et émotion, un peu plus gentille avec « Chéri » que ne l’est la Léa du roman. Par contre, ses joutes verbales et ses échanges de rosserie avec la mère Peloux sont bien là.
Dans le rôle du jeune oisif typique « Belle Epoque », blasé, s’ennuyant partout, même chez Maxim’s, c’est Rupert Friend qui l’interprète avec un certain charme aussi. S’il est suffisamment méchant avec sa rosse de mère, il est un tantinet trop mélodramatique vers la fin.
Celle qui vaut le déplacement pour moi (en plus de Michelle Pfeiffer) est Kathy Bates en Charlotte Peloux ; ancienne rivale de Léa dans le monde des cocottes et toujours rivale dans le cœur de « Chéri », elle est véritablement parfaite. On la sent insidieusement jalouse de celle qu’elle appelle son amie et ses paroles d’amitié sont remplies de fiel. Bravo à Kathy Bates qui une fois encore prouve son immense talent.
La délicate Edmée est interprétée par Felicity Jones, mignonne et effacée comme le demande le rôle.
Autour d’eux gravitent encore Frances Tomelty en Rose, la femme de chambre et confidante de Léa. Plus Toby Kebbel, Anita Pallenberg, Tom Burke et quelques autres.
C’est Stephen Frears en personne qui s’est arrogé le rôle du narrateur de cette histoire douce-amère d’une époque que l’on appelait « Belle » ; mais était-elle si belle que cela ?
Inutile de spécifier que – tout comme pour les « Liaisons Dangereuses » - les costumes et décors ont été étudiés avec un soin particulier et sont superbes.
A elle seule, cette reconstitution-là vaut de voir le film.