Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
mon bonheur est dans la ville
9 juillet 2009

CHERI, de Sidonie-Gabrielle Colette

2253013331

200px_SidonieGabrielleColette

Léonie Vallon, devenue Léa de Lonval, courtisane désormais à l’abri du besoin,  s’est offert un joli caprice en Fred Peloux, alias « Chéri ».

Pour cette femme encore belle de presque 50 ans, le jeune homme est un adorable animal de compagnie et à la fois un amant.

Lui s’ennuie dans l’existence, il dit adorer Léa qu’il appelle « Nounoune », mais Fred est-il capable d’amour, lui qui traverse la vie en traînant son dédain.

Sa mère, amie et ancienne « collègue » de Léa, a décidé qu’il était temps que Chéri se marie et ces dames ont jeté leur dévolu sur la timide Edmée, tout juste sortie du couvent, fascinée par Fred qui lui accorde à peine un regard ; Fred toujours vautré dans un lit ou un fauteuil, totalement blasé par la vie.

Il est vrai que l’enfance et la jeunesse qu’il a vécues en tant que fils de courtisane lui ont donné un œil plus que cynique sur la vie.

Le mariage de Fred va bouleverser sa vie et celle de Léa dans des proportions que celle-ci n’imaginait même pas, lui faisant comprendre que son joli caprice lui échappe désormais.

Alors que sort sur les écrans bruxellois le film de Stephen Frears, j’ai eu envie de reprendre ce grand classique de la littérature française qui l’inspira.

J’ai lu « Chéri » lorsque j’avais vingt ans (qui c’est qui a dit « y a longtemps ! » ?), je me souviens qu’à l’époque il m’avait autant enthousiasmée que « La Chatte » et « L’ingénue libertine », sans oublier « Dialogues de bêtes » et « Le blé en herbe ».

Après cela je découvris « Le Fanal bleu » et bien d’autres livres de cette romancière dont la vie me fascinait.

C’est l’auteur italien Italo Calvino qui conseille de relire les livres que l’on a lu dans sa jeunesse, afin de les aborder d’un autre point de vue ; je le reconnais sans fausse honte, ce concept m’a toujours fait sourire un peu ironiquement – d’abord, je pars du principe que si l’on a aimé un livre, on l’aimera toute sa vie ; ensuite, j’ai tellement de livres qui m’attendent (sans oublier les nouveaux livres qui sont édités) que je me demande toujours où je trouverais le temps de relire mes livres de jeunesse.

Je suis obligée de faire mon mea culpa : Italo Calvino avait raison = on a une vision différente sur les livres lus 20 ou plus années auparavant.

C’est ce qui est arrivé avec ce « Chéri » si enthousiasmant quand j’avais 20 ans.

Est-on donc si peu perceptif quand on est jeune, est-t-on cruel au point de ne pas  discerner l’amertume et la cruauté de certains propos ?

Il y a quelques petits points communs dans « Chéri » avec « Les Liaisons dangereuses » de Choderlos de Laclos dans le jeu pervers avec la petite Edmée, avec le besoin maladif de Léa de se mêler de tout.

Mais il y a également une très belle description d’une époque que Colette connaissait fort bien pour l’avoir vécue de près. La description des lieux, des vêtements, des décors est précise et imagée, les personnalités sont observées de près et bien typées, observées avec acuité et sans beaucoup d’indulgence.

Face à Léa qui refuse les inconvénients liées à l’âge qui s’installe, la romancière met Rose la femme de chambre et son solide bon sens campagnard. Rose n’est guère dupe de ce que vit Léa, contrairement au maître d’hôtel subjugué par sa patronne et dont le regard la flatte.

Quant au regard porté par Léa sur les Peloux mère et fils, il n’est guère indulgent non plus. Avec l’acuité d’une femme du peuple ayant gravi tous les échelons jusqu’au demi-monde, elle est particulièrement sensible au decorum qui manque particulièrement à la mère et au fils.

En tout cas, j’ai redécouvert « Chéri » et j’ai été frappée par le jeu cruel des protagonistes, par leur manque d’amour finalement.

Fred, alias Chéri, est tellement superficiel qu’il ne peut vivre qu’en blessant, il reste un perpétuel enfant gâté pour qui tout est un jeu, qui vit une relation que l’on pourrait presque qualifier « d’inceste par procuration » avec une femme contemporaine de sa mère.

Quant à Léa – que j’admirais tant pour avoir l’audace de vivre une relation amoureuse avec un homme de la moitié de son âge – je me rends compte qu’elle traite Chéri comme un petit animal de compagnie, flatteur pour sa vanité de femme vieillissante, mais à aucun moment elle ne l’aide à se dépêtrer de cette enfance prolongée, de cet ennui de vivre qui le conduira d’ailleurs à sa perte dans « La Fin de Chéri ».

Léa, il me semble, n’aimait pas Fred jusqu’à ce qu’il lui échappe définitivement ; jusque là il est pour elle le reflet flatteur de ce qu’elle fut.

La drôlerie caustique des propos couvre à peine la méchanceté de Fred et le désarroi de Léa. Quant à la jeune Edmée, elle est un autre joli jouet dans la vie de Fred.

Donc j’ai redécouvert « Chéri » et je n’ai plus vraiment aimé ces jeux, subtils mélanges de tendresse et de perversité. Le livre m’a mis mal à l’aise, va savoir pourquoi. Aurais-je mûri ? Ai-je lu entre les lignes quelque chose de moi que je ne voulais pas voir ? Qui sait !

Mais j’aime toujours autant l’écriture, la plume, la verve de Sidonie-Gabrielle Colette – que je prends plaisir à appeler de son nom complet, ce qu’elle appréciait particulièrement paraît-il, disant que finalement « Colette » était seulement une partie d’elle-même.

Je garde toute mon admiration à la femme et à l’écrivain, je n’enlève pas une once de tout l’engouement que je lui portais dans mes années plus jeunes, et je vais reprendre d’autres livres rien que pour le plaisir.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 85 192
Archives
Derniers commentaires
Publicité