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mon bonheur est dans la ville
25 septembre 2008

HAPPY BIRTHDAY, Miss DAVIS

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As Margo Channing in All About Eve (1950)

BETTE DAVIS est une actrice qui m’a toujours fascinée ; je la découvris lorsque j’étais encore jeune dans le rôle de Margo Channing, dans « All about Eve ». Après cela, je me suis mise à repérer tous les films que l’on projetait d’elle, soit à la cinémathèque de Belgique, soit dans les émissions télé style « cinéma de minuit ».

J’ai donc pleuré avec le mélodrame des mélodrames à savoir « Now Voyager » et je fus « choquée » par sa froideur dans « The Letter », elle était une Elizabeth Ière d’Angleterre amusante et un peu caricaturale dans 320px_Bette_Davis_in_The_Private_Lives_of_Elizabeth_and_Essex_trailersa première interprétation de la reine, dans « The Private Lives of Elizabeth and Essex », avec Errol Flynn comme partenaire.

Dans « Dark Victory », un autre mélodrame, elle était charmante et émouvante.

davis3Inutile de dire qu’elle me fit frémir dans « Whatever happened to Baby Jane ? » avec son ennemie de toujours, à savoir Joan Crawford dont la jalousie à son égard était telle qu’elle disait systématiquement « Bette Davis ? ce ne sont que des yeux et une voix ! »

Elles se sont ainsi égratignées par presse interposée tout au long de leurs carrières respectives.

Je dois toutefois reconnaître que dans « Baby Jane », les deux actrices déployèrent un égal talent dans un film présenté comme un film d’horreur mais qui, selon moi, tenait plus du thriller psychologique.

Inutile de dire que dès que j’ai appris que la cinémathèque de Belgique avait décidé – vingt ans après sa mort -  de  rendre hommage à son phénoménal talent à l’occasion du 100ème anniversaire de sa naissance, j’ai poussé de vrais cris de joie car, enfin !, je vais pouvoir découvrir des films de mon idole que je n’ai jamais vus et revoir, une fois encore, des films où elle était épatante.

Je prends donc un immense plaisir à résumer la passionnante introduction à ce « Festival Bette Davis », donnée sous forme de conférence par Madame Muriel ANDRIN, docteure en cinéma à l’université de Bruxelles (ELICIT) et chargée de cours à l’ULB.

Muriel Andrin est également conférencière à l’ISELP et est l’auteure d’un essai que j’ai le plaisir d’avoir dans ma bibliothèque, intitulé « Maléfiques – Le mélodrame filmique américain et ses héroïnes (1940-1953) », un incontournable pour qui s’intéresse à l’histoire du cinéma.

Titre de la conférence de Muriel Andrin, ce mercredi 3 septembre 2008 =

« MASQUES : Bette Davis et la construction filmique de la féminité »

Parler de Bette Davis et de ses multiples facettes en une heure et demie, soit représenter l’esprit du temps, à travers une filmographie s’étendant sur 6 décennies et en 101 films, est une gageure.

L’actrice a abordé tout au long de sa carrière pratiquement tous les genres, parmi lesquels plusieurs mélodrames dans lesquels elle excellait.

Sa plus grande performance tenait dans l’incarnation véritable qu’elle donnait aux rôles. Elle était absolument unique aussi bien dans de petits rôles que dans les grands.

Bette Davis a toujours interprété, voulait interpréter, des femmes au caractère indépendant, correspondant au sien. Son combat contre la Warner Bros., son procès intenté contre Jack Warner, sont autant de démarches de quelqu’un qui voulait de rôles, qui voulait imposer SA vision de la femme et non se soumettre aux choix des studios hollywoodiens.

Elle était probablement l’une des femmes les plus indépendantes d’Hollywood.

Elle-même, en tant que personne, était une femme complexe, pleine de paradoxes, très intelligente, dont l’humour était légendaire tant à l’écran que dans la vie. Dans sa vie privée elle refusa d’être une femme seule, s’arrogeant le droit de choisir ses partenaires de couple.

Bette Davis offre, à l’écran, des contradictions intéressantes à étudier. Dans ses rôles on retrouve ses caractéristiques personnelles, presque des « tics » = sa démarche, sa manie de fumer (comme dans la vie, elle fumait à l’écran comme une cheminée), son regard (Bette Davis’s eyes), mais cette manière de se mouvoir et d’être. POURTANT, de rôle en rôle elle tentera de se renouveler, que ce soit en interprétant des femmes « mauvaises » ou des « sacrifiées ». Elle jouait sur tous les régistres, ce qui est une démarche très originale puisque tout en fidélisant le public à un schéma de l’ « acteur et son jeu », elle renouvelait les personnages.

C’est la raison pour laquelle on peut dire que son parcours personnel est exceptionnel, représentant certaines valeurs morales, surtout dans l’énergie, dans le travail.

  1. Comédienne de théâtre sous George Cukor, notamment, car il fut aussi metteur en scène de théâtre. Lorsqu’il décida de l’utiliser à la Warner, elle fut « recalée » pour manque de personnalité !!

  2. même chose chez Universal Studios : où la mettre ?

  3. c’est la rencontre avec avec George Harliss – qui fut comédien de théâtre avec elle – qui l’imposera à la Warner pour le film « The Man who played god » car il croyait en elle  et en son talent.

Malheureusement malgré une excellence performance dans ce film, où l’on convient qu’effectivement elle montre un immense potentiel d’actrice, à nouveau elle est cantonnée dans des rôles peu intéressants.

Finalement c’est elle-même qui décidera que le rôle de Mildred, la serveuse de « Of Human Bondage » est pour elle ; elle VEUT ce rôle, le seul « hic », c’est qu’il est tourné aux Studios RKO, elle sera donc prêtée par la Warner.

Son interprétation de Mildred est époustouflante, Mildred est odieuse, fascine le jeune homme qu’elle veut séduire et Bette Davis ne va pas hésiter à insister sur le côté monstrueux du caractère de la jeune femme, n’hésitant pas à s’enlaidir et se révèle dans ce rôle sous toutes les facettes de son jeu d’actrice.

Bette Davis, c’est certain, ne correspondait guère aux critères hollywoodiens et elle était même considérée comme « moche » par les studios.

Son célèbre regard deviendra dès lors la base de ses expressions d’actrice, car le regard est en prise directe avec la personne qu’on observe, c’est un exercice de puissance. Porter son regard sur l’autre, c’est le séduire et Bette Davis, à l’écran, ne regarde pas seulement l’acteur face à elle mais aussi le spectateur. Elle utilise ce regard de manière hypnotique et elle fascine autant le personnage en face d’elle que le spectateur.

As the shrewish Mildred in Of Human Bondage (1934), Davis was acclaimed for her dramatic performance.     Le rôle de Mildred sera le rôle phare de Bette Davis. Après ce rôle, elle revient aux studios Warner, qui la remettent dans des rôles ne lui convenant pas ; du coup, elle décide de partir pour Londres et c’est de là-bas qu’elle entamera le procès mémorable contre Jack Warner, procès qu’elle perdra, mais elle exige que l’on précise dans les notes qu’elle reçoive désormais de « vrais bons rôles ».

A la suite de cela, Jack Warner et Bette Davis seront systématiquement en bagarre et ne se parleront que par mémos, où les noms d’oiseaux volent bas, ce qui amuse toujours beaucoup les biographes de cinéma lorsqu’ils ont accès à cette documentation.

C’est Hal Wallis, sous-producteur à la Warner, qui reconnaît le talent de Bette Davis et décide de lui « offrir » le réalisateur William Wyler.

bette_davis3Leur première collaboration sera « Jezebel », une sorte de réponse à « Gone with the Wind » ; en effet, les studios Warner avaient l’intention de produire « Autant en emporte le vent », mais malheureusement se firent souffler le projet (un coup du vent probablement).

Dès lors, ils n’eurent qu’une envie, c’est de produire leur propre film sur une histoire dans le sud des Etats-Unis.

C’est William Wyler qui va apprendre à Bette Davis à maîtriser son « langage cinématographique » ; on reprochait à l’actrice de parler trop vite, de bouger trop. Grâce à Wyler, elle apprend un nouveau rythme, apprend le silence, et maîtrise son corps qu’elle bougeait sans cesse comme si elle était hyperactive.

Image:JezebelTrailerBetteDavis2.jpgDans « Jezebel » on comprend ce à quoi elle tend à l’écran.

Puisqu’on n’arrivait pas à la classer, son jeu d’actrice partait un peu dans tous les sens ; Wyler va la canaliser et l’aider à se situer par rapport à l’espace, lui conseillant des trucs visuels utilisant l’ensemble de sa personnalité.

Bette Davis aimait interpréter des femmes qui vont contre les conventions, mais qui parfois rentrent finalement dans le rang de manière flamboyante, parfois allant jusqu’au sacrifice.

Contrairement aux personnages féminins de l’époque qui étaient plutôt passifs, qui « s’offraient » en quelque sorte au spectateur, Bette Davis, elle, dès qu’elle paraissait à l’écran, prenait littéralement le pouvoir. Les personnages qu’elle interprète ne sont jamais passifs.

Comme elle était fascinée par la beauté d’actrices comme Gene Tierney, et qu’elle savait ne pas  correspondre à ce prototype de beauté-là, elle prenait le pouvoir par l’action. Ses entrées en scène étaient extraordinaires, dramatiques, spectaculaires.

La représentation des femmes au cinéma était très misogynique, héritée du 19ème siècle ; ce fut la raison pour laquelle tout au début de sa carrière elle accepta ce type de rôle, mais ce fut délibéré de sa part, afin de peu à peu offrir autre chose et enfin dépasser les clichés.

letterAprès « The Letter », deuxième collaboration avec William Wyler, commencera la deuxième partie de sa carrière qui s’inscrit dans la deuxième guerre mondiale – chez elle, il y aura réellement un : avant, pendant et après la guerre.

Ce film représente la fin de certains rôles, l’actrice s’est transformée et refuse d’encore accepter les stéréotypes dont elle voulait sortir.

L’image de la femme à cette époque est contradictoire, on va tenter de rompre avec l’image artificielle : celle d’une bonne mère, d’une bonne épouse ; avec la guerre, elle devient aussi une femme qui part travailler à l’usine pendant que les hommes sont au front. Le cinéma n’hésite pas à s’adapter, mais dès la fin de la guerre « hop, fini ! retournez à vos casseroles ».

Cette forte contradiction se retrouve à l’écran.

200px_Hwoodcanteen44Pendant ce temps, Bette Davis a fondé la célèbre « Hollywood Canteen », pour aider à soutenir les soldats, proposant des spectacles destinés à les distraire.

A l’écran, elle incarne des rôles difficiles.

Le reproche général qu’on lui a fait était qu’elle avait trop joué sur sa laideur et pourtant pour le mélodrame 200px_NowVoyagerPoster« Now Voyager », elle reçut un courrier phénoménal, à la fois de soutien et de remerciements pour l’espoir qu’elle offrait aux femmes laides.

On est à nouveau ici dans les « MASQUES » ; ici elle s’enlaidit volontairement physiquement, en vieille fille sous la coupe de sa mère, tout le contraire de « Of Human Bondage » où elle est belle et devient laide par sa méchanceté.

Le film suscite une polémique évidemment ; le féminin ne peut pas être une « vieille fille » !

Ici Bette Davis joue dans la retenue, soigne l’image vestimentaire.

Le maquillage peut aussi être un masque ; généralement on considère qu’il embellit, mais il peut également cacher quelque chose de grotesque, de monstrueux, comme dans « Skeffington » qui sera le rôle le plus cabotin de toute sa carrière ; elle y interprète une femme obsédée par sa beauté, l’opposé même de « Now Voyager ».

Ici, une fois de plus, Bette Davis accepte la représentation de la laideur, elle y tenait car c’était son argument contre l’image ultra féminine, se voulant une caricature de la féminité, souvent représentée par la chirurgie esthétique notamment.

250px_Bette_Davis_in_Mr_Skeffington_trailer_2_croppedElle est donc dans « Skeffington » une icône superficielle, seulement préoccupée d’elle-même, que la maladie va abîmer et devenir un « monstre » donné en spectacle.

« Skeffington » se veut une dénonciation de la manière dont Hollywood transformait les actrices et une réponse à cette manière d’agir ; Bette Davis a fait ce choix délibérément afin de dénoncer la manière dont les femmes sont considérées comme un produit.

Pue à peu, la femme qu’elle représente se transforme, devient autre chose ; elle gère son public féminin, consitue à choisir ses rôles afin de se détacher du traditionnel, toujours par des transformations physiques destinées à démontrer l’absurdité de l’image féminine hollywoodienne.

Pour les critiques cinématographiques, elle devient une caricature d’elle-même, dans « Beyond the Forest » notamment – ils n’ont effectivement pas compris ce que l’actrice voulait démontrer.

Bette Davis se met pratiquement en scène physiquement pour « parler » aux femmes, pour exprimer leurs frustrations sociales et sexuelles, un discours qui sera mal perçu par les critiques.

Dans « Beyond the Forest » elle va aller jusqu’au bout d’un personnage détestable, qui est tout ce qu’on ne doit pas être et pourtant, le réalisateur et l’actrice parviennent à faire comprendre aux femmes qu’elles pourraient être autre chose, mais que c’est la société qui les en empêche. Tout cela interprété avec une telle maestria que l’on finit par avoir pitié de cette Rose si haïssable.

Le rôle dépeint le destin de ceux qui ne se conforment pas aux lois, il s’adresse aux femmes qui ne veulent pas être seulement des domestiques non payées.

La mine qui brûle continuellement est une métaphore de l’héroïne qui se consume littéralement, qui brûle intérieurement comme le haut-fourneau.

Ce film est une fois encore un bras d’honneur à la Warner, ce sera le dernier film « pied-de-nez » de Bette Davis. Puisqu’elle n’a pu être reconnue en fonction des canons du studio, elle les quitte la tête haute, en leur tirant littéralement la langue.

eve« All about Eve » est le chef d’œuvre de Joe Manckiewicz, mais aussi le chef d’œuvre de Bette Davis ; elle y est touchante. C’est l’histoire presque auto-parodique d’une star insupportable, dont l’étoile baisse un peu et qui fait plein de caprices, mais qui s’humanise. Encore une fois, l’actrice s’adresse au spectateur dans cette mise en scène où elle s’adresse intimement à son amie, mais en regardant le spectateur en face.

Le film représente ce qu’elle est vraiment et désormais sa maîtrise de l’écran est totale.

« All about Eve » peut être considéré comme une réflexion sur sa propre carrière.

Bette Davis aura travaillé jusqu’à la fin de sa vie, son dernier film étant « Whales of August », avec un autre monstre sacré de l’histoire du cinéma : Lilian Gish.

180px_Bette_Davis14En vieillissant, l’actrice ne trouvera plus vraiment de rôle à la hauteur de son talent et lorsqu’elle jouera moins, elle placera dans le célèbre magazine américain Variety l’annonce suivante :

« Mère de trois enfants,

30 ans d’expérience en tant qu’actrice,

Cherche emploi à Hollywood »

La grande classe quoi, et de l’humour à revendre, plus la preuve une fois encore de sa volonté acharnée de trouver le rôle où elle peut s’exprimer et se réaliser.

(ce texte est un résumé de la conférence de Madame Andrin, j'espère en avoir respecté l'essence, sinon je présente mes excuses à la conférencière pour les éventuelles lacunes)

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